Ubi societas ibi jus
L’eau est un besoin essentiel et incompressible de l’être humain. Or, au moment où le Forum mondial de l’eau vient à peine de s’achever et que le Cameroun se joint à la communauté internationale pour célébrer la journée mondiale de l’eau, l’accès à cette ressource (« l’or bleu » disent certains) relève encore des douze travaux de Hercule dans certaines localités du Cameroun, y compris dans la capitale Yaoundé. La question que l’on se pose ici est simple : les camerounais jouissent-ils d’un droit à l’eau ? En d’autres termes, peuvent-ils juridiquement se plaindre de ne pas avoir accès à l’eau ? Tout d’abord, je vais tenter d’objectiver le contenu et la portée d’un tel droit, avant de m’appesantir sur la réglementation pertinente en ce qui concerne le Cameroun.
I. LE CONTENU ET LA PORTEE D’UN DROIT A L’EAU
Comme nous le verrons dans la seconde partie de cette réflexion, il n’existe pas un instrument international consacrant le droit à l’eau. Ce qui pose déjà le problème du contenu d’un éventuel droit à l’eau. Toutefois, une conception qui nous semble convaincante a été formulée par l’observation générale 15 du Comité des Nations Unies sur les droits économiques, sociaux et culturels pour qui « le droit à l’eau consiste en un approvisionnement suffisant, physiquement accessible et à un coût abordable, d’une eau salubre et de qualité acceptable pour les usages personnels et domestiques de chacun ».
Cette position permet de dégager un certain nombre de caractéristiques essentielles du droit à l’eau :
- l’eau doit être disponible et en quantité suffisante (l’OMS parle de 20 litres par personne et par jour) ;
- l’eau doit être de qualité, c’est-à-dire qu’elle doit être salubre et potable (inodore, incolore, limpide et agréable à boire) ;
- l’eau doit être accessible, aussi bien au plan physique qu’économique, et sans discrimination.
II. LA REGLEMENTATION RELATIVE AU DROIT A L’EAU AU CAMEROUN
Au plan international, il n’existe pas d’instrument de caractère contraignant consacrant de façon explicite un droit humain à l’eau. Ce droit est traditionnellement dérivé de l’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966 aux termes duquel les parties reconnaissent « le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu’à une amélioration constante de ses conditions d’existence ». En effet, un droit à la nourriture peut-il exister en marge d’un droit à l’eau ? Autrement dit, peut-on vraisemblablement manger sans boire de l’eau ? Il est difficile de formuler une réponse unanime à cette question, même si en ce qui me concerne un verre d’eau doit absolument accompagner chacun de mes repas…
La question au plan national n’a pas non plus reçu un traitement clair et satisfaisant. La loi n°98/005 du 14 avril 1998 portant régime de l’eau dispose en son article 2 al. 1er que « l’eau est un bien du patrimoine national dont l’Etat assure la protection et la gestion et en facilite l’accès à tous ». Ainsi, l’Etat a l’obligation de « faciliter » l’accès à l’eau et non de « fournir » l’eau aux camerounais. Cette formulation s’apparente davantage à une obligation de moyen et non de résultat à la charge de l’Etat et ne saurait donc être interprétée comme un droit à l’eau au profit du public. Ainsi, pour répondre à la question posée par cette réflexion, sans être catégorique, il convient d’admettre (même si c’est avec regret) qu’il n’existe pas dans la réglementation camerounaise un droit à l’eau comme c’est le cas dans certains pays. L’article 27 al. 1a de la constitution sud-africaine par exemple dispose clairement que « everyone has the right to have access to (…) sufficient food and water ».
Je voudrais reconnaître, pour terminer, que la simple consécration d’un droit à l’eau n’est pas la garantie de sa disponibilité et de son accessibilité effectives. Toutefois, une telle position de mon point de vue est le reflet d’une certaine vision politique, celle d’une société plus solidaire où l’eau ne sera plus une ressource réservée, mais une ressource accessible à tous car en fin de compte « l’eau c’est la vie » et tous nous avons droit à la vie.