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Ubi societas ibi jus

LE DECRET N°2011/408 PORTANT ORGANISATION DU GOUVERNEMENT : NOTULE SUR LES NOUVELLES ATTRIBUTIONS DU MINISTERE DES RELATIONS EXTERIEURES

Le 09 décembre 2011 a constitué un tournant (de moindre ou de grande ampleur selon les opinions) de l’environnement politique et institutionnel au Cameroun. En sus de la formation du nouveau gouvernement appelé à traduire dans les faits le projet des « grandes réalisations » qui a porté à la magistrature suprême le Président Paul Biya lors du rendez-vous électoral du 09 octobre 2011, cette date a également été marquée par l’adoption d’un nouveau décret portant organisation du gouvernement. Certains observateurs au demeurant ont estimé que c’est le texte « le mieux rédigé » en la matière dans l’histoire normative du Cameroun. Soit.

Toutefois, l’objet de la présente notule n’est pas de faire une évaluation critique de ce texte, mais de s’attarder sur les attributions nouvelles qu’il confère au Ministère des relations extérieures (MINREX), dont certaines se démarquent nettement de la nomenclature précédente, avant d’envisager les implications logiquement attendues.


I. Les attributions nouvelles du MINREX au regard du décret du 09 décembre 2011


La lecture du décret de 2011 permet de dégager trois attributions nouvelles au profit du MINREX :


- Suivre la coopération extérieure du Cameroun : cette nouvelle compétence semble créer plus de flou qu’elle n’en règle en réalité. On se demande en effet en quoi elle se distingue de l’activité traditionnelle (et d’ailleurs maintenue) de ce ministère qui consiste à suivre les relations du Cameroun avec les Etats étrangers, les organisations internationales et les autres sujets de la communauté internationale. Serait-ce (enfin) l’affirmation de la prééminence du MINREX sur les autres départements ministériels en matière de relations internationales ? Personnellement je suis porté à le croire mais une telle interprétation mérite une confirmation ultérieure de la part des plus hautes autorités de l’Etat.


- Suivre les questions relatives au contentieux international : par cette disposition, il n’est pas exagéré de déduire la volonté présidentielle de régler définitivement la problématique de la représentation du Cameroun devant le prétoire international. Autrefois soumise à une sorte de gestion en vase clos de la part de différents départements ministériels, il y a lieu d’espérer désormais que le MINREX centralise l’exercice de cette compétence, au besoin avec l’assistance d’agents publics et autres experts sollicités à l’occasion.


- Conseiller le gouvernement en matière de droit international : cette compétence est justifiée par le fait que l’Etat entretient des relations diverses (en matière de coopération agricole, économique et commerciale, culturelle, sportive, etc.) avec des acteurs variés (Etats, OI, ONG, individus, etc.) et qui donnent lieu à un encadrement juridique. Il reviendra désormais au MINREX de donner un avis juridique dans la conduite desdites relations, quand bien même elles sont initiées par un autre département ministériel, tant au moment où elles naissent que pendant leur déroulement ou quand leur fin est envisagée. Cette innovation est importante du point de vue de la cohérence et de l’unité d’expression de la politique juridique extérieure du Cameroun et permettra, si elle est opérationnalisée de façon convenable, d’anticiper sur de nombreux contentieux auxquels l’Etat du Cameroun est souvent appelé à faire face.


II. Les implications du décret du 09 décembre 2011 en ce qui concerne le MINREX


Les nouvelles attributions conférées au MINREX par le décret de 2011 suggèrent au moins deux attentes :


- Une excellente appropriation du nouveau texte par les agents publics : c’est ce que traduit en d’autres termes la formule suivant laquelle « la valeur des institutions se mesure à la capacité des hommes à les manœuvrer ». Il s’agit de dire que les nouvelles attributions conférées au MINREX ne deviendront effectives que pour autant que les acteurs interpellés s’attèleront à jouer effectivement leur rôle : aux personnels du MINREX concernés de faire preuve davantage de dynamisme et d’esprit d’entreprise afin de remplir effectivement les missions qui sont désormais les leur ; et aux agents des autres départements ministériels de s’abstenir d’exercer une résistance qui en réalité joue à la défaveur de l’intérêt général. A cet égard, il n’est pas exclu qu’à certains moments des arbitrages venant de la Primature, voire de la Présidence seront nécessaires pour clarifier les rôles des uns et des autres.


- Une révision du décret du 30 juillet 2005 portant organisation du MINREX : cela va de soi, au regard des nouvelles attributions conférées au département. Toutefois, une révision dans le sens de leur intégration dans le texte organique du MINREX devrait s’accompagner d’un renforcement des conditions de travail de son personnel. Et lorsqu’on évoque la condition du diplomate camerounais, la question d’un statut particulier rénové et adapté aux enjeux du moment ne saurait être passée sous silence.

 

En somme, tout en relevant ma satisfaction suite à l’adoption du décret de 2011, tout au moins en ce qui concerne le traitement réservé au MINREX, dans la mesure où il vient combler un certain nombre d’attentes que j’ai formulées dans des études antérieures, je voudrais terminer en nourrissant l’espoir que cette innovation marque les prémices de « la renaissance de notre diplomatie », pour citer un contemporain.

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C
La pertinence et la cohérence d'une telle réflexion ne saurait passer sous silence pour reprendre les propos de l'auteur de cet article.<br /> Compte tenu du statut de l'auteur de cette refexion, il semble tout à fait légitime de se se demander s'il ne s agit pas là d'un simple plaidoyer pour le renforcement des capacités et compétences<br /> du MINREX et accéssoirement de la considération de son personnel. Pourtant lorsqu on connait l'homme, on sait que l 'objectivité est l'une de ses valeurs cardinales et que de son point de vue, ses<br /> analyses ont toujours une portée scientifique et techniques au détriment des considérations purement politiques.<br /> En effet, le Décret du 09 décembre 2011 vient poser les jalons d'une véritable politique juridique extérieure de l’État du Cameroun, sous la coordination du Ministère des Relations Extérieures et<br /> la supervision du Chef de l'Etat, chef de la Diplomatie.<br /> Le travail du Minrex va donc de ce fait consister à assurer le suivi du contentieux international, en s'appuyant certes sur d'autres expertises, mais surtout en s'assurant que les mesures prises<br /> s'inscrivent bel et bien dans le champ de la politique étrangère de notre pays.<br /> C'est une mesure qu 'il faut saluer et qui donne à penser que l'action internationale du Cameroun ne sera plus marquée par un certain nombre d'incohérences dont la rémanence donnait à notre pays<br /> l'image d'un pays sans vision coordonnée et planifié.<br /> De même, du fait de son statut de conseiller juridique du gouvernement, en matière de coopération internationale, le MINREX<br /> se présente désormais comme le stratège de la protection juridique, aussi bien en aval qu'en amont, des intérêts du Cameroun dans un contexte international dominé par l'agressivité des acteurs<br /> internationaux et où le moindre pas pourrait être fatal pour un pays comme le notre.<br /> Il ne reste qu au Ministère de s'approprier effectivement et efficacement de ses nouvelles missions et aux autres d'accompagner ce Département dont le véritable rôle est de protéger les intérêts du<br /> Cameroun sur la scène internationale.
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A
<br /> <br /> Merci pour tes propos sympathiques et fort généreux à mon endroit cher collègue et ami.Effectivement cette réflexion inspirée du décret du 09 décembre 2011 replace le MINREX au centre<br /> d'un échiquier juridique international qu'il n'aurait jamais dû quitter.Chacun d'entre nous devra désormis s'investir afin que notre Département soit à la hauteur de la confiance que la Très<br /> Haute Hiérarchie a placée en lui.<br /> <br /> <br /> <br />