Ubi societas ibi jus
Le 09 décembre 2011 a constitué un tournant (de moindre ou de grande ampleur selon les opinions) de l’environnement politique et institutionnel au Cameroun. En sus de la formation du nouveau gouvernement appelé à traduire dans les faits le projet des « grandes réalisations » qui a porté à la magistrature suprême le Président Paul Biya lors du rendez-vous électoral du 09 octobre 2011, cette date a également été marquée par l’adoption d’un nouveau décret portant organisation du gouvernement. Certains observateurs au demeurant ont estimé que c’est le texte « le mieux rédigé » en la matière dans l’histoire normative du Cameroun. Soit.
Toutefois, l’objet de la présente notule n’est pas de faire une évaluation critique de ce texte, mais de s’attarder sur les attributions nouvelles qu’il confère au Ministère des relations extérieures (MINREX), dont certaines se démarquent nettement de la nomenclature précédente, avant d’envisager les implications logiquement attendues.
I. Les attributions nouvelles du MINREX au regard du décret du 09 décembre 2011
La lecture du décret de 2011 permet de dégager trois attributions nouvelles au profit du MINREX :
- Suivre la coopération extérieure du Cameroun : cette nouvelle compétence semble créer plus de flou qu’elle n’en règle en réalité. On se demande en effet en quoi elle se distingue de l’activité traditionnelle (et d’ailleurs maintenue) de ce ministère qui consiste à suivre les relations du Cameroun avec les Etats étrangers, les organisations internationales et les autres sujets de la communauté internationale. Serait-ce (enfin) l’affirmation de la prééminence du MINREX sur les autres départements ministériels en matière de relations internationales ? Personnellement je suis porté à le croire mais une telle interprétation mérite une confirmation ultérieure de la part des plus hautes autorités de l’Etat.
- Suivre les questions relatives au contentieux international : par cette disposition, il n’est pas exagéré de déduire la volonté présidentielle de régler définitivement la problématique de la représentation du Cameroun devant le prétoire international. Autrefois soumise à une sorte de gestion en vase clos de la part de différents départements ministériels, il y a lieu d’espérer désormais que le MINREX centralise l’exercice de cette compétence, au besoin avec l’assistance d’agents publics et autres experts sollicités à l’occasion.
- Conseiller le gouvernement en matière de droit international : cette compétence est justifiée par le fait que l’Etat entretient des relations diverses (en matière de coopération agricole, économique et commerciale, culturelle, sportive, etc.) avec des acteurs variés (Etats, OI, ONG, individus, etc.) et qui donnent lieu à un encadrement juridique. Il reviendra désormais au MINREX de donner un avis juridique dans la conduite desdites relations, quand bien même elles sont initiées par un autre département ministériel, tant au moment où elles naissent que pendant leur déroulement ou quand leur fin est envisagée. Cette innovation est importante du point de vue de la cohérence et de l’unité d’expression de la politique juridique extérieure du Cameroun et permettra, si elle est opérationnalisée de façon convenable, d’anticiper sur de nombreux contentieux auxquels l’Etat du Cameroun est souvent appelé à faire face.
II. Les implications du décret du 09 décembre 2011 en ce qui concerne le MINREX
Les nouvelles attributions conférées au MINREX par le décret de 2011 suggèrent au moins deux attentes :
- Une excellente appropriation du nouveau texte par les agents publics : c’est ce que traduit en d’autres termes la formule suivant laquelle « la valeur des institutions se mesure à la capacité des hommes à les manœuvrer ». Il s’agit de dire que les nouvelles attributions conférées au MINREX ne deviendront effectives que pour autant que les acteurs interpellés s’attèleront à jouer effectivement leur rôle : aux personnels du MINREX concernés de faire preuve davantage de dynamisme et d’esprit d’entreprise afin de remplir effectivement les missions qui sont désormais les leur ; et aux agents des autres départements ministériels de s’abstenir d’exercer une résistance qui en réalité joue à la défaveur de l’intérêt général. A cet égard, il n’est pas exclu qu’à certains moments des arbitrages venant de la Primature, voire de la Présidence seront nécessaires pour clarifier les rôles des uns et des autres.
- Une révision du décret du 30 juillet 2005 portant organisation du MINREX : cela va de soi, au regard des nouvelles attributions conférées au département. Toutefois, une révision dans le sens de leur intégration dans le texte organique du MINREX devrait s’accompagner d’un renforcement des conditions de travail de son personnel. Et lorsqu’on évoque la condition du diplomate camerounais, la question d’un statut particulier rénové et adapté aux enjeux du moment ne saurait être passée sous silence.
En somme, tout en relevant ma satisfaction suite à l’adoption du décret de 2011, tout au moins en ce qui concerne le traitement réservé au MINREX, dans la mesure où il vient combler un certain nombre d’attentes que j’ai formulées dans des études antérieures, je voudrais terminer en nourrissant l’espoir que cette innovation marque les prémices de « la renaissance de notre diplomatie », pour citer un contemporain.