Ubi societas ibi jus
Dans un contexte où le discours politique est à la professionnalisation des enseignements, le souci de la cohérence et de la pertinence exige de marquer un temps d’arrêt sur le stage académique, exercice obligé des étudiants de certaines institutions de formation et grandes écoles. Et, à l’observation, il ressort que le stage académique, en dépit de ce qu’il est obligatoire pour l’étudiant dans l’optique de l’obtention de son diplôme de fin de formation, navigue encore dans une sorte de vide juridique et un grand nombre d’étudiants sont encore victimes de nombreuses tribulations dans la quête du précieux sésame, ainsi qu’au moment de son exercice proprement dit.
Il n’existe pas, à ce jour, de définition juridique du stage académique. Il faut toutefois le distinguer du stage de vacances (très souvent réservé aux jeunes qui effectuent des tâches matérielles chez un employeur, moyennant une rémunération forfaitaire), de l’apprentissage (formation professionnelle qu’une personne reçoit d’un chef d’établissement sur la base d’un contrat écrit, moyennant en retour, engagement à exécuter les instructions et les tâches qui lui sont confiées), de l’engagement à l’essai, souvent appelé stage pré-emploi (phase d’observation préalable à la conclusion d’un contrat définitif, durant laquelle l’employeur apprécie la qualité des services du travailleur et son rendement, tandis que ce dernier apprécie les conditions de travail, de vie, de rémunération, d’hygiène, de sécurité ainsi que de climat chez l’employeur) et du stage professionnel (réservé aux travailleurs ou fonctionnaires en poste, en vue d’accroître leurs performances, leur efficacité et leur rendement professionnels).
Le stage académique en revanche peut être appréhendé comme une période durant laquelle un étudiant exerce des activités auprès d’un employeur, en vue de se familiariser avec le milieu professionnel et de parfaire ses connaissances académiques.
L’article 16 du décret N°08/0249/MINESUP du 11 septembre 2008 portant statut commun des étudiants des institutions universitaires publiques du Cameroun prévoit que
(1) En vue d’accroître ses capacités et ses possibilités d’insertion socio-professionnelle, (…) l’Etat assure à l’étudiant une formation académique et professionnelle de qualité.
(2) A cet effet, l’Etat garantit à l’étudiant le droit d’accès aux enseignements et aux activités concourant à sa formation totale dans le cadre de la réglementation en vigueur.
Cela étant, le stage académique naviguant encore dans un vide juridique, les développements qui suivent se feront pour l’essentiel de lege ferenda.
I. Les droits et obligations de l’étudiant stagiaire
L’étudiant a droit à une formation professionnelle, c’est-à-dire qui lui donne les aptitudes et les prédispositions à l’emploi. Le droit à la formation professionnelle inclut le droit à un stage académique. A côté de ce droit à l’accès au stage, figure le droit à un suivi durant le stage. Celui-ci suppose qu’un encadreur soit mis à la disposition de l’étudiant stagiaire afin de l’accompagner durant le stage, de clarifier ses préoccupations et de l’aider dans la rédaction de son rapport de fin de stage, lorsqu’il s’agit d’une condition posée par l’institution de formation ou la structure d’accueil.
L’étudiant stagiaire doit avoir accès à la documentation disponible dans la structure d’accueil et bénéficier d’une rémunération lorsqu’il contribue de façon avérée à l’activité de celle-ci, notamment par le renforcement de son rayonnement ou l’amélioration de la productivité et du rendement.
D’un autre côté, l’étudiant stagiaire devrait se soumettre aux exigences de sa structure d’accueil, notamment en se conformant à la règlementation de la structure (ponctualité, habillement, comportement, etc.) et en accomplissant les tâches académiques ou professionnelles qui lui sont confiées. Il devrait être soumis au respect du secret professionnel pour toutes les informations auxquelles il a eu accès durant son stage, y compris au terme de celui-ci.
II. Les droits et obligations de l’institution de formation
Les institutions de formation devraient avoir l’obligation de trouver un stage à leurs étudiants, qui corresponde à leur cycle et discipline de formation. Cela devrait être une obligation de résultat, et non de moyen, qui très souvent se limite à la délivrance de lettres de recommandation. En outre, l’institution de formation devrait assurer le suivi de l’étudiant pendant le stage, aux fins de s’assurer de l’accomplissement effectif dudit stage, dans le respect et la promotion de l’image de l’institution de formation.
Par conséquent, l’institution de formation a le droit d’exiger de l’étudiant admis à un stage académique de produire un rapport sanctionnant ledit stage, suivant un contenu académique défini à l’avance. Ce rapport de stage fait l’objet d’une évaluation devant un jury associant le personnel enseignant et celui de la structure où le stage a été effectué. Il appartient à l’institution de formation, qui peut en assurer la diffusion, ainsi que l’exploitation par elle-même ou par d’autres, en fonction de sa pertinence.
III. Les droits et obligations des structures d’accueil des stagiaires
Les structures d’accueil des stagiaires ont le droit d’exiger à ces derniers de se conformer à leur réglementation interne applicable au personnel. Toutefois il sera tenu compte des exigences particulières du stage académique et de la situation du stagiaire.
En particulier, les structures d’accueil devraient avoir l’obligation de fournir des stages académiques aux étudiants. A cet égard, des conventions de partenariat peuvent être conclues avec les institutions de formation, en vertu desquelles elles s’engagent à recevoir chaque année des étudiants pour des stages. Pour cela, un cadre d’accueil (bureaux, encadreurs, documentation, etc.) pourrait être aménagé aux fins de leur permettre de tirer le maximum de profit du stage académique.
Le stage devrait être sanctionné par la délivrance d’un certificat de stage, signé par le principal responsable de la structure d’accueil, son suppléant ou le responsable en charge des ressources humaines ou toute autre personne prévue par la réglementation interne.
Tous ces développements peuvent sembler utopiques pour certains, mais réalistes non seulement pour toute personne soucieuse d’une formation de qualité et proche des exigences du milieu professionnel, mais également pour toute personne qui à un moment donné de sa formation, a recherché un stage académique. En effet, le stage académique n’est pas une partie de plaisir. Il fait partie de la formation de l’étudiant et de l’avènement de ressources humaines à même d’accompagner le projet d’émergence du Cameroun et, de ce fait, ne devrait pas être l’affaire de l’étudiant uniquement. Mon vœu est donc celui de l’avènement d’une politique de formation professionnelle plus ambitieuse, qui accorde une prédilection au stage académique des étudiants.