C’est quoi être camerounais au 21e siècle ? Autrement dit, qu’est-ce qui fait l’identité camerounaise aujourd’hui ? Cette question peut surprendre le lecteur pour deux raisons au moins : en premier lieu, les conditions d’acquisition et de perte de la nationalité camerounaise semblent relever de l’évidence, ne serait-ce que d’un point de vue juridique, en raison de l’existence d’un code de la nationalité qui est suffisamment clair sur la question. En second lieu, on peut bien se demander pourquoi problématiser la camerounité dans un contexte historiquement situé, à savoir le 21e siècle ? Une telle interrogation semble suggérer qu’il y a des camerounais du siècle commençant et (qu’il y a eu) des camerounais du siècle précédent.
Toutefois, au-delà de ces inquiétudes, la question de la camerounité au 21e siècle garde son intérêt et sa pertinence dans la mesure où, dans un contexte de mondialisation, invoquer les particularismes nationaux peut sembler relever d’un anachronisme mal placé.
Etre camerounais ne se limite pas à posséder la nationalité camerounaise
Conformément au code de la nationalité camerounaise (loi N° 68/LF/3 du 11 juin 1968), la nationalité camerounaise s’obtient, soit à titre originaire (en raison de la filiation ou de la naissance au Cameroun), soit après la naissance (par l’effet du mariage, par déclaration de nationalité, par l’effet de la naturalisation ou de la réintégration). Or, dans cette contribution, il s’agit pour moi de soutenir qu’être camerounais ne se réduit pas à posséder la nationalité camerounaise. Autrement dit, l’approche juridique dans la définition de la camerounité est une condition certes nécessaire mais non point suffisante dans la mesure où elle occulte les autres dimensions – historique, sociologique, politique – qui permettent d’identifier les camerounais, au Cameroun et au-delà de nos frontières. Etre camerounais, dirais-je alors, c’est appartenir à une patrie appelée Cameroun (où que l’on soit, quoi que l’on fasse), c’est partager et diffuser les valeurs qui sont celles de cette patrie, c’est faire preuve de citoyenneté telle que celle-ci se conçoit et se perçoit dans une République, c’est-à-dire en termes de civilité (respect des règles de bienséance), de civisme (dévouement à l’intérêt public) et de solidarité (sentiment qui pousse les hommes à s’entraider). Nationalité, citoyenneté et patriotisme vont donc de pair. C’est, pour moi, l’opérationnalisation de ce triptyque qui fait de nous des camerounais.
Etre camerounais dans un contexte de mondialisation
La mondialisation marque-t-elle la fin des nationalités ? Il faut dire, à l’observation, qu’au-delà des thèmes d’universalisme, de cosmopolitisme ou de multiculturalisme que celle-ci charrie, la mondialisation apparaît davantage aujourd’hui comme le triomphe d’une culture, la culture occidentale, sur le reste du monde. Une telle perspective est suffisante pour susciter un sursaut patriotique (nationaliste ?) et un regain de vitalité des identités nationales (la fameuse dialectique globalisation/fragmentation). En effet, notre camerounité est ce qui nous permet d’exister dans un contexte où le mot d’ordre est à la dilution et à l’assimilation, de protéger notre patrimoine (culturel, économique, historique, etc.) contre les convoitises et autres tentatives d’appropriation et de captation extérieures (et intérieures). Cela suppose donc, non seulement de pouvoir identifier véritablement ces valeurs qui font de nous des camerounais aujourd’hui, ces potentialités qui font notre fierté de camerounais, mais également de travailler à leur diffusion sur toute l’étendue du territoire, y compris au sein de la diaspora, afin que tous les camerounais puissent se reconnaître dans la mère-patrie, au-delà du simple lien de nationalité qui nous unit.
Je voudrais donc dire, pour terminer, que le défi qui se présente au Cameroun et aux camerounais du 21e siècle est plus fort, plus urgent et nous interpelle tous. Quel Cameroun voulons-nous présenter à la face de ce nouveau monde globalisé ? Un Cameroun de prévaricateurs, de mercenaires et de pirates prompts à se servir et à abandonner le bateau à la première secousse, bref un Cameroun de pseudo-camerounais, ou alors un Cameroun moderne, digne et compétitif, fier de se présenter à la face du monde parce que conscient des valeurs dont il est porteur ?