Le greffe de la Cour Internationale de Justice fait sa mue pourrait-on dire. Seulement, il ne s’agit pas d’un changement systématique encore moins d’une mutation profonde de l’ensemble du greffe de la Cour. Il s’agit simplement du renouvellement d’un poste non négligeable au sein du principal organe administratif de la Cour : celui du greffier adjoint ; renouvellement déclenché par l’annonce de la démission prochaine, le 15 mars 2013, de Mme Thérèse de Saint Phalle , greffier adjoint actuel de la Cour. Suite au constat de cette vacance de poste, le président de la Cour, conformément aux dispositions de l’article 23 du Règlement de cette juridiction internationale, a notifié la vacance de poste aux autres membres de la cour, fixé une date pour la clôture de la réception des candidatures nouvelles et surtout, a procédé à l’organisation des élections en vue de l’élection d’un nouveau greffier adjoint.
C’est chose faite depuis le lundi 11 février 2013, date à laquelle M. Jean-Pelé Fometé, juriste et diplomate de nationalité camerounaise, a été élu comme greffier adjoint de la Cour Internationale de Justice pour un mandat de sept (07) ans, conformément au communiqué de presse de la Cour publié en date du 12 février 2013. Cette élection, qui arrive à point nommé, marque non seulement la continuité dans la politique d’anticipation de la Cour en ce qui concerne le renouvellement de ces organes de fonctionnement, mais aussi, incline à jeter un regard sur le statut, voire même, les fonctions du greffier adjoint au sein du principal organe judicaire de la Cour.
I. Retour sur une élection statutaire
L'élection de M. Jean-Pelé Fomété comme greffier adjoint de la Cour Internationale de Justice le 11 février 2013 est avant tout une élection statutaire, qui s’est faite conformément aux règles prescrites par les dispositions de l’article 22 du Règlement de la Cour tel qu’adopté le 14 avril 1978 et entré en vigueur le 1er juillet de la même année. En effet, plusieurs éléments peuvent rendre compte de cet état de choses.
D’entrée de jeu, il convient de rappeler les dispositions pertinentes de l’article 23 du Règlement de la Cour qui dispose que « La Cour élit un greffier adjoint ; les dispositions de l’article 22 du présent Règlement s’appliquent à son élection et à la durée de son mandat ». Ces dispositions qui semblent dégager un régime juridique commun applicable tant au greffier qu’au greffier adjoint, opèrent un renvoi aux dispositions de l’article 22 du Règlement, qui donne plus de précisions sur la procédure qui encadre l’élection du greffier adjoint de la Cour Internationale de Justice.
A ce titre, il convient d’abord de noter qu’il s’agit d’une élection qui se fait au scrutin secret parmi les candidats proposés par les membres de la Cour. Deux éléments importants sont à relever ici. D’abord, le sceau du secret ou mieux de la confidentialité qui marque fondamentalement l'élection du greffier adjoint de la Cour et ensuite, la source des candidatures. A l’observation, tel que le prévoient les dispositions liminaires de l’article 22 alinéa 1 du Règlement de la Cour, « la Cour élit son greffier au scrutin secret… ». Le communiqué de la Cour qui annonce l’élection de M. Jean-Pelé Fomété comme greffier adjoint renchérit en affirmant que « La Cour Internationale de Justice a élu, au cours d’une séance privée… ». C’est bien la marque du sceau de la confidentialité qui imprègne l’élection du greffier adjoint de la Cour. Il s’agit en effet, de préserver non seulement tout le magistère qui caractérise la fonction de greffier adjoint, mais aussi et surtout, l’éminence sobre et le prestige juridictionnel qu’incarne la Cour Internationale de Justice. Ce souci de discrétion est aussi important pour la garantie de la bonne qualité de l’élection qui doit être épargnée des vicissitudes de la publicité.
Bien plus, la marque de confidentialité est encore plus perceptible au niveau de l’origine des candidatures, lesquelles, selon les dispositions de l’article 22 du Règlement de la Cour, proviennent des juges de la Haute juridiction. En effet, seuls les juges, membres de la Cour ont qualité pour faire des propositions de candidature. Ces propositions doivent être accompagnées de « tous renseignements utiles sur les candidats et indiquer notamment leur âge, leur nationalité, leurs occupations actuelles, leurs titres universitaires, leurs connaissances linguistiques, et leur expérience du droit, de la diplomatie ou des affaires des organisations internationales »
Cette disposition renseigne à suffisance sur quelques critères qui sont évalués et pris en compte par les membres de la Cour dans leurs propositions de candidature au poste de greffier ou de greffier adjoint. Il s’agit avant tout de « tous renseignements utiles ». Cette formule quelque peu vague et imprécise peut très bien prêter à équivoque surtout au niveau de l’appréciation de ce qui peut être considéré comme un « renseignement utile ». En toute objectivité, qu’est-ce qu’un renseignement utile ? Il s’agit là d’une bonne interrogation. Mais loin d’avoir la prétention de s’y étendre plus densément, il faut noter que la suite des dispositions de l’article 22 alinéa 3 du Règlement de la Cour donne quelques indications non négligeables qui peuvent permettre de comprendre, et surtout de donner un contenu substantiel à la notion de « renseignements utiles ». Il peut en effet s’agir de :
- L’âge et la nationalité du candidat ;
- Les occupations actuelles du candidat ;
- Les titres universitaires du candidat ;
- Les connaissances linguistiques du candidat ;
- L’expérience du candidat dans le domaine du droit, de la diplomatie ou des affaires des organisations internationales.
Loin d’être exhaustifs, ces critères permettent d’entrevoir le profil du candidat au poste de greffier adjoint à la Cour. A priori, ils dénotent la volonté pour les membres de la Cour d’élire le meilleur candidat c’est-à-dire celui-là qui non seulement aura réuni sur l’ensemble des candidats en compétition la maximum des qualités professionnelles requises et des compétences exigées ; mais aussi, qui aura réussi à emporter la conviction des membres de la Cour.
C’est dire en conséquence que M. Jean-Pelé Fomété qui a été élu lundi dernier a réussi par la qualité de son profil à emporter la conviction objective et subjective de la majorité des membres de la Cour Internationale de Justice. Pour s’en convaincre, il est utile de jeter un regard sur le portrait du nouveau greffier adjoint du principal organe judiciaire de l’Organisation des Nations Unies.
Mais avant, il semble important de préciser que conformément aux dispositions de l’article 22 du Règlement, M. Jean-Pelé Fomété a été élu pour un mandat de sept (07) ans, à la majorité des membres de la Cour. Il succèdera à Mme Thérèse de Saint Phalle dont la démission effective prendra effet à la date du 15 mars 2013. Ce qui signifie tout simplement que le tout premier mandat de M. Jean-Pelé Fomété commencera à courir à compter du 16 mars 2013 date à laquelle, il doit entrer en fonction par l’exécution de la tradition cardinale du serment dont la formule solennelle est prévue à l’article 24 du Règlement et se lit comme suit :
« Je déclare solennellement que je remplirai en toute loyauté, discrétion et conscience les devoirs qui m’incombent en ma qualité de Greffier (adjoint) de la Cour Internationale de Justice et que j’observerai fidèlement toutes les prescriptions du Statut et du Règlement de la Cour ».
Aussi, il ne faut pas omettre de préciser que le greffier adjoint de la Cour reste rééligible.
II. Portrait synoptique du nouveau greffier adjoint de la Cour Internationale de Justice
Comment comprendre et interpréter l'élection de M. Jean-Pelé Fomété comme greffier adjoint de la Cour Internationale de Justice ? Trois figures de ce juriste peuvent donner des pistes de réponse à cette question : d’abord celle du juriste-chercheur ; ensuite, celle d’un professionnel expérimenté dans la fonction du greffe des organes juridictionnels internationaux ; et enfin, celle du diplomate.
D’abord, M. Jean-Pelé Fomété est un « juriste hors-classe » et un chercheur aguerri. Juriste en effet, car il est docteur en droit. Par ailleurs, il a occupé les fonctions de Conseiller juridique du greffier du Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) et celles de Juriste au sein du greffe du Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). Bien plus, en tant que chercheur aguerri, entre 1988 et 1996, M. Jean-Pelé Fomété a été Secrétaire général du Centre d’études et de recherches en droit international et de l’environnement, et consultant senior au Cabinet Brain Trust Consulting Inc. Au plus, il est l’auteur de publications scientifiques parmi lesquelles figure en bonne place cet article co-signé par Roland Adjovi et publié dans le volume VI de l’Annuaire Français des Relations Internationales en 2005 qui s’intitule, « Les relations entre le Tribunal pénal international pour le Rwanda et les Etats. L’obligation de coopération dans l’exécution du mandat du Tribunal ».
Ensuite, M. Jean-Pelé Fomété est un professionnel expérimenté de la fonction de greffier au sein des juridictions internationales. En effet, il a commencé à servir au greffe du TPIYen tant que juriste, avant de rejoindre l’équipe du TPIR où pendant cinq (05) ans il a été conseillé juridique et assistant spécial du greffier. Par la suite, il a servi le greffe du TPIRen tant que Directeur de programmes pendant sept (07) ans avant de rejoindre une autre équipe professionnelle, celle du Tribunal du contentieux administratifde l’Organisation des Nations Unies à Nairobi où il est actuellement greffier depuis 2009.
Au vu de ce qui précède, l’on comprend bien qu’au-delà de ses titres universitaires, M. Jean-Pelé Fomété se présente comme un professionnel pétri d’expérience et surtout, bien acclimaté aux réalités et aux hautes exigences professionnelles de la fonction de greffier. Il a commencé à œuvre au sein des greffes des tribunaux pénaux internationaux, puis au sein du TCANU et aujourd’hui, c’est au sein du principal organe judiciaire de l’Organisation des Nations Unies qu’il devra désormais faire valoir ses compétences au service de la justice internationale.
Enfin, M. Jean-Pelé Fomété est un diplomate camerounais, car de 1991 à 1996, il a été chef du service des organes politiques et juridiques de l’ONU au Ministère des Relations Extérieures du Cameroun.
Ces trois figures rendent comptent à suffisance de la qualité du profil de M. Jean-Pelé Fomété dont la candidature à reçu l’approbation de la majorité des membres de la Cour. L’on peut enfin s’appesantir sur la configuration actuelle du greffe de la Cour Internationale de Justice.
III. Regard sur la Configuration actuelle du greffe de la Cour Internationale de Justice
L'élection de M. Jean-Pelé Fomété comme greffier adjoint de la Cour introduit logiquement une réforme dans la configuration du personnel du greffe sur lequel il importe de jeter un regard. Cette configuration connaîtra une légère modification occasionnée par la démission prochaine du greffier actuel, Mme Thérèse de Saint Phalle, de nationalité française et américaine qui a été élue le 9 octobre 2007, et dont le mandat a commencé à courir le 19 février 2008. Elle n’achève pas son mandat initial de sept ans et démissionne après 5 ans de service. Cette légère modification est marquée par l’entrée en fonction prochaine de M. Jean-Pelé Fomété en tant que nouveau greffier adjoint de la Cour qui devra assister M. Philippe Couvreur, de nationalité belge, actuel greffier de la Cour.
Toutefois, il convient de présenter l’historique des précédents greffiers adjoints de la Cour. De manière chronologique voici la liste des personnes qui ont occupé le poste de greffier adjoint au sein de la Cour. Il s’agit de :
Cette chronologie permet de faire quelques constats non négligeables :
Premièrement, au niveau de la représentation des pays, il ne faudrait pas se méprendre par exemple sur le fait que la France par exemple a majoritairement occupé le poste de greffier adjoint au sein de la Cour. En effet, le greffe à la différence de la Cour en elle-même est un organe technique qui manifestement n’est pas soumis à la règle traditionnelle du respect de la représentation équitable des grandes formes de civilisation ou encore des principaux systèmes juridiques du monde. A ce titre, les Etats n’interviennent pratiquement pas dans le processus de désignation du greffier ou de son adjoint. Seuls les juges ont ici la qualité et le pouvoir de choisir par le biais d’un vote la personne qui doit assumer les fonctions de greffier ou de greffier adjoint.
Deuxièmement, l’Afrique n’avait pas encore eu l’occasion de se faire représenter au sein de cet organe administratif qu’incarne le greffe de la Cour. C’est chose faite avec l’élection de M. Jean-Pelé Fomété qui est appelé à assister comme on l’a précédemment relevé le greffier de la Cour dans l’exercice de ses fonctions et surtout, de le remplacer valablement en cas d’absence ou de vacance de poste jusqu’à que ce que celui-ci soit pourvu, conformément aux dispositions de l’article 27 alinéa 1 du Règlement de la Cour.
Bien plus, il est à noter que le greffier adjoint « s’est récemment vu confier des responsabilités plus larges en matière administrative, telles que la supervision directe du service des archives, du service de l’informatique et du service des affaires générales ».
Somme toute, l’élection de M. Jean-Pelé Fomété, comme greffier adjoint de la Cour Internationale de Justice traduit une réalité simple désormais avérée en droit international : les juridictions internationales ont-elles aussi une vie institutionnelle qui est animée par le travail remarquable des professionnels et experts qui concourt chaque jour à leur donner la place qui est la leur dans la régulation de la scène internationale et l’encadrement des rapports entre les divers sujets du droit international.
BANZEU Rostand