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23 novembre 2010 2 23 /11 /novembre /2010 20:36

INTRODUCTION GENERALE

- Définition des concepts

L’expression « justice internationale » met en rapport deux concepts qu’il convient au préalable de définir afin de mieux comprendre les développements qui vont suivre. Il s’agit d’une part du mot « justice » et d’autre part de l’adjectif « international ».

Le mot justice n’est pas aisé à définir. Pour le Dictionnaire des termes juridiques, il s’agit d’un « concept désignant le fait de faire ou dire ce qui est juste, c’est-à-dire conforme à l’équité ou à la norme de droit définissant les règles régissant les rapports entre les individus. [C’est aussi une] institution chargée de statuer sur les litiges entre individus ou transgressions par eux à la norme légale ». En ce sens, la justice doit être appréhendée aussi bien sur le plan matériel, en tant que activité consistant à trancher un litige sur la base du droit ou de l’équité, que sur le plan organique, comme l’institution investie d’une telle mission.

L’adjectif international, quant à lui, a également deux dimensions : d’une part, international renvoie à interétatique, c’est-à-dire tout ce qui met en situation deux Etats. D’autre part, international renvoie à trans-étatique, c’est-à-dire tout phénomène qui transcende la frontière d’un Etat, quand bien même il ne serait pas le fait d’un acteur étatique. Exemple : un commerçant qui commande de la marchandise dans un pays étranger ; on est bien là face à une transaction internationale.

En somme, la justice internationale peut être entendue comme le fait pour une institution, sur la base du droit ou de l’équité, de trancher des litiges entre des acteurs étatiques ou non étatiques. Il est important de relever dans cette définition que la justice internationale n’est pas forcément le fait de juridictions internationales et ne concernent pas seulement les Etats. Mais, par souci de commodité, nous nous en tiendrons à la justice entre Etats.

- La spécificité de la justice internationale

On relève trois principaux caractères de la justice internationale qui la distinguent de la justice étatique.  

En premier lieu, les principaux justiciables sont les Etats, ce qui tranche nettement avec la justice étatique où les principaux justiciables sont les individus. Tout le système juridictionnel international est donc aménagé pour tenir compte de ce paramètre.

En second lieu, la justice internationale a un caractère facultatif. Cela signifie qu’un Etat, en vertu de sa souveraineté, ne peut être attrait devant les juridictions internationales sans son consentement. Ainsi, pour les Professeurs Patrick Daillier et Alain Pellet, « aussi longtemps que survivra la souveraineté étatique, il sera difficile d’établir une justice internationale obligatoire, autorisant chaque Etat à citer unilatéralement un autre Etat devant une juridiction internationale à propos de n’importe quel différend ».

En troisième lieu enfin, la justice non institutionnalisée, autrement dit l’arbitrage, occupe une place très importante sur le plan international. Cela tient aussi bien aux données historiques (l’arbitrage a précédé l’apparition des premières juridictions internationales permanentes) qu’à des considérations techniques (l’arbitrage présente l’avantage de la souplesse et même de la discrétion chères aux Etats).

- Problématique générale de l’étude

Nous nous interrogeons ici, d’une part, sur les enjeux de la justice internationale (pourquoi la justice internationale ?) et, d’autre part, sur les modalités de sa mise en œuvre (comment la justice internationale ?).

 

LES ENJEUX DE LA JUSTICE INTERNATIONALE

 

A la question de savoir pourquoi la justice internationale, la réponse peut sembler simple. Il s’agit de mettre fin aux conflits qui peuvent survenir entre les sujets de la société internationale, autrement dit, de promouvoir la paix et la sécurité internationales par le droit (A). Or, à l’observation, on relève un certain nombre d’insuffisances inhérentes à la justice internationale et qui remettent en cause la dite finalité (B).

 

La justice internationale : un nouveau moyen de règlement pacifique des différends

 

Le droit international a précédé l’apparition des juridictions internationales. En effet, on situe la naissance du droit international à partir de 1648, avec la naissance des Etats à la suite des accords de Westphalie qui mettent fin à la guerre de trente ans (1618-1648). Or, pendant longtemps, le droit international fut un droit dont l’observation reposait exclusivement sur la parole donnée (pacta sunt servanda). Les différends entre Etats, quelle qu’en soit la nature, se réglaient ainsi, soit par la négociation, soit par la guerre dans la mesure où, en vertu de la souveraineté, il n’était pas possible d’imaginer une instance extérieure à l’Etat lui imposer la conduite à tenir. Le XIXe siècle va cependant bouleverser l’ordre des choses, notamment à travers le développement de l’arbitrage inter-étatique, première forme de justice à l’échelle internationale. Les premiers arbitrages furent ainsi le fait de chefs d’Etat appelés à se prononcer à titre personnel. Puis l’arbitrage s’institutionnalisa et la convention de La Haye établit en 1889 la Cour permanente d’arbitrage (CPA). La CPA a rendu une quinzaine de sentences avant la première guerre mondiale, avant d’entrer dans une phase de léthargie.

A l’issue de cette guerre, la Société des Nations et la Cour permanente de justice internationale furent créées. L’une et l’autre étaient mises au service de la paix qui devait être assurée par le respect du droit. Désormais, les différends juridiques entre les Etats pouvaient être soumis à des juges constituant une véritable cour permanente à compétence générale et à vocation universelle.

L’édifice ainsi mis sur pied fut revu au lendemain de la seconde guerre mondiale et l’Organisation des Nations Unies se substitua à la Société des Nations. Un pas décisif fut alors franchi en droit puisque la Charte mit la guerre hors la loi. Elle condamna en effet le recours à la force, sauf cas de légitime défense. Par voie de conséquence, elle rendit obligatoire le règlement pacifique des différends (articles 2 § 3 de la Charte des Nations Unies), notamment par la voie de l’arbitrage ou du le règlement judiciaire (article 33 § 1 de la Charte). Ainsi, dans ce sens, lorsque l’on parcourt le Statut de la Cour internationale de Justice, on voit bien qu’à l’article 38 la Cour reçoit la mission statutaire de régler, conformément au droit international, les différends qui lui sont soumis. Mais la particularité ici est qu’elle le fait sur la base exclusive du droit international ou de l’équité.

En somme, la justice internationale a été établie en vue de régler les différends internationaux par le recours à des tiers neutres et impartiaux (juges et arbitres), qui appliquent le droit international. Or, aujourd’hui, cette vision est de plus en plus contestée.

 

Les insuffisances de la justice internationale

 

La justice internationale fait l’objet aujourd’hui de nombreuses critiques. Deux principales raisons expliquent cela : d’une part, les recours sont facultatifs, d’autre part, les décisions qui en découlent, si elles sont obligatoires, ne sont pas exécutoires.

La justice internationale : une justice facultative

S’agissant du caractère facultatif de la justice internationale, il est la résultante même de la souveraineté des Etats. En effet, en vertu de la souveraineté, un Etat ne peut être attrait devant les juridictions internationales sans son consentement. Ce consentement doit s’exprimer, soit avant la naissance du litige, soit après la naissance de celui-ci. Ainsi donc, quand bien même un conflit aurait éclaté, il est possible pour l’un des belligérants d’échapper à la justice internationale s’il ne reconnaît pas la compétence des juridictions établies. Une implication de ce mécanisme volontariste est que l’Etat, qui au préalable a reconnu unilatéralement la compétence d’une juridiction internationale, conserve la latitude de faire marche arrière. C’est ainsi que les Etats-Unis, après qu’ils aient été condamnés par la CIJ dans l’affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, ont retiré leur souscription à la clause facultative de juridiction obligatoire.

Les décisions de justice internationale ne sont pas exécutoires

Les décisions de justice, sur le plan international, sont obligatoires et non exécutoires. Cela signifie qu’un Etat, quand bien même il ne peut se soustraire à une décision internationale, il ne peut également être l’objet de mesures d’exécutions forcées en vertu de sa souveraineté. Le fragile mécanisme prévu à l’article 94 § 2 de la Charte des Nations Unies n’a jamais été mis en œuvre. En vertu de cette disposition, « si une partie à un litige ne satisfait pas aux obligations qui lui incombent en vertu d’un arrêt rendu par la Cour, l’autre partie peut recourir au Conseil de sécurité et celui-ci, s’il le juge nécessaire, peut faire des recommandations ou décider des mesures à prendre pour faire exécuter l’arrêt ». Cet article n’implique pas systématiquement le recours à la force, mais confère plutôt au Conseil de sécurité un pouvoir d’appréciation. Or, le Conseil est un organe politique où l’action des Etats est d’abord commandée par leurs intérêts.

On pourrait également ajouter ici la critique de plus en plus récurrente qui est celle de l’émergence d’une justice au service des vainqueurs, notamment les grandes puissances, comme semble l’attester la création des tribunaux pénaux internationaux et de la CPI. Mais cela reste tout un débat.

 

LES MODALITES DE MISE EN ŒUVRE DE LA JUSTICE INTERNATIONA-LE : LA CREATION DES JURIDICTIONS INTERNATIONALES

 

Nous procèderons ici, d’abord à une étude globale des juridictions internationales, dont la caractéristique majeure au XXIe siècle est leur prolifération (A), avant d’opérer une analyse spécifiques de deux juridictions, qui peuvent être considérées aujourd’hui comme les plus en vue (B).

 

La prolifération des juridictions internationales

 

Nous tenterons dans un premier temps d’opérer une classification des juridictions internationales (1), avant de voir quels sont les rapports qui existent entre celles-ci (2).

Tentative de classification des juridictions internationales

Les juridictions internationales peuvent être classées suivant plusieurs critères. Nous retiendrons ici le critère de la compétence territoriale dans un premier temps, et le critère de la compétence matérielle dans un second temps.

Sur le plan de la compétence territoriale, on distingue les juridictions à vocation universelle des juridictions à vocation régionale ou sous-régionale. Ainsi, s’agissant des juridictions à vocation universelle, c’est-à-dire celles qui peuvent être saisies par tous les Etats de la planète, biensûr sous réserve de l’expression préalable du consentement, on cite la Cour internationale de Justice, la Cour pénale internationale, le Tribunal international du droit de la mer ou encore l’Organe de règlement des différends de l’OMC. En ce concerne les juridictions à vocation régionale ou sous-régionale, leur compétence est limitée à la région ou à la sous région concernée. On citera par exemple ici la Cour de justice de l’Union Africaine (qui n’est pas encore effective), dans le cadre de l’Afrique, ou encore la Cour de justice de la CEMAC dans le cadre de l’Afrique centrale, la Cour de justice des communautés européennes dans le cadre de l’Union Européenne, la Cour  interaméricaine des droits de l’homme dans le cadre du continent américain.

Sur le plan de la compétence matérielle, c’est-à-dire l’objet pour lequel la juridiction en question peut être saisie, on distingue les juridictions à compétence générale qui peuvent être saisies pour tous les types de différends d’ordre juridique (la CIJ) des juridictions à compétence spécialisée, c’est-à-dire limitée à un objet bien précisé. C’est le cas du Tribunal international pour le droit de la mer qui n’est compétent que pour les questions liées au droit de la mer, ou encore la Cour européenne des droits de l’homme qui ne peut être saisie que pour des questions ayant trait aux droits humains.

Or, cette prolifération de juridictions internationales pose un problème quant à leurs rapports.

Les rapports entre les juridictions internationales

Qui dit rapports entre juridictions internationales pose le problème de leur hiérarchie. En effet, lorsque l’on se réfère au modèle étatique, l’on observe bien l’existence de juridictions d’instance, d’appel et de cassation, l’idée étant que la juridiction supérieure peut remettre en cause la décision d’une juridiction inférieure. Ce qui n’est pas le cas sur le plan international. Ici, aucune juridiction n’est supérieure à l’autre, c’est le principe de l’autonomie des juridictions. Même la CIJ, dont la compétence est universelle et générale n’est ni supérieure ni prioritaire par rapport aux juridictions régionales ou à compétence spécialisée et ne peut donc pas remettre en cause leurs décisions. Deux problèmes se posent ainsi ici : le risque de chevauchement de compétences et le risque de contrariété des jugements.

Quelques solutions ont été proposées à ce sujet, mais qui restent encore dans l’ordre de la spéculation : d’une part, que la CIJ soit établie comme un second degré de juridiction, ce qui lui permettrait de connaître des recours portés contre les décisions rendues par les autres juridictions. D’autre part, que les questions susceptibles de donner lieu à des décisions contradictoires peuvent être soumises à la CIJ sous la forme de questions préjudicielles.

 

Etude d’une juridiction internationale spécifique : la CIJ

 

La CIJ est considérée comme la juridiction internationale par excellence. Conformément à l’article 92 de la Charte, la CIJ constitue l’organe judiciaire principal des Nations, ce qui lui confère un rôle important dans le règlement des litiges internationaux.

L’organisation et le fonctionnement de la CIJ sont aménagés par trois textes majeurs : la Charte des Nations Unies, le Statut de la Cour et son règlement de procédure.

Organisation de la Cour

La Courcomprend un organe judiciaire et un organe administratif. L’organe judiciaire est composé des juges. Il y a tout d’abord les juges permanents. Ils sont au nombre de quinze et sont élus par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité pour un mandat de neuf ans. Il y a ensuite les juges ad hoc qui sont désignés pour chaque affaire par l’Etat qui ne possède pas de juge de sa nationalité au sein de la Cour.

L’organe administratif de la Cour est le greffe. A sa tête se trouve un greffier et un greffier adjoint. Leurs principales missions consistent à recevoir les requêtes des parties, leur communiquer toute information relative à des affaires les concernant, à co-signer les décisions avec le Président de la Cour et à élaborer le budget de la Cour.

Fonctions de la Cour

La CIJ a deux fonctions : une fonction contentieuse et une fonction consultative.

La fonction contentieuse consiste à trancher les litiges qui lui sont soumis. Le contentieux devant la CIJ ne concerne que les Etats (article 34 du Statut) et s’étend à toutes les affaires que les parties décident de lui soumettre (article 36 du Statut).

La compétence de la Cour n’est pas obligatoire. Elle suppose le consentement de l’Etat, qui peut l’exprimer selon quatre modalités : la clause compromissoire et le compromis (article 36 § 1 du Statut), la clause facultative de juridiction obligatoire (article 36 § 2) et l’acceptation non formaliste de la juridiction de la Cour ou forum prorogatum (affaire du détroit de Corfou, arrêt du 25 mars 1948 sur la compétence de la Cour et la recevabilité de la requête).

Une fois que la compétence de la Cour est établie, le procès proprement dit peut s’ouvrir. La procédure est d’abord écrite, puis orale. C’est la procédure normale. Cependant, il peut arriver que celle-ci soit émaillée d’incidents : soulèvement d’exceptions préliminaires, défaut d’une partie, demande de mesures conservatoires, jonction d’instances, intervention d’une tierce partie.

La décision de la Cour n’est obligatoire que pour les parties en litige et dans le cas qui a été décidé (principe res inter alios judicata, prévu à l’article 59 du Statut de la Cour). En cas d’inexécution de la décision de la Cour, la partie qui a eu gain de cause peut saisir le Conseil de sécurité (article 94 § 2 de la Charte), ce qui ne signifie pas pour autant que celui-ci va recourir à la force pour mettre en œuvre la décision en cause. Dans tous les cas, l’histoire nous enseigne qu’à aucun moment le Conseil n’a été saisi à cet effet.

La fonction consultative consiste pour la Cour à rendre des avis consultatifs à la demande des organes des Nations Unies (article 65 du Statut). Les avis consultatifs n’ont pas de force obligatoire.

O. SAMYN, P. SIMONETTA, C. SOGNO, Dictionnaire des termes juridiques, Paris, éditions de Vecchi, 1986, p. 1999.

Patrick DAILLIER et Alain PELLET, Droit international public, Paris, LGDJ, 7e édition, 2002, p. 863.

Ce fut également le cas de la France après sa condamnation dans l’affaire des essais nucléaires en 1974.

Ainsi a-t-on vu le Chili et l’Union européenne prêts à saisir l’un le Tribunal du droit de la mer et l’autre l’Organisation mondiale du commerce d’un différend les opposant sur la pêche à l’espadon.

Ainsi dans l’affaire Tadic, le Tribunal Pénal International pour l’ex.Yougoslavie a en 1999, adopté des positions diamétralement opposées à celles retenues par la Cour internationale de justice quelques années auparavant dans une affaire opposant le Nicaragua aux Etats-Unis, pour ce qui est des responsabilités encourues par un Etat qui intervient dans une guerre civile sur le territoire d’un autre Etat.

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commentaires

M
Vraiment une vision scarléiste de la société avec cette supposition translatoire qui montre toute la puissance du basin d'Arcachon
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J
le nagationnisme muet sur l elevage d'huitre en nouvelle aquitaine est en effet une question interressante
C
Blog(fermaton.over-blog.com),No-12, THÉORÈME DE L'HUMANITÉ. - DROIT/JUSTICE ?
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(
Blog(fermaton.over-blog.com).No-22, THÉORÈME DU GUERRIER. - LA JUSTICE ?
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