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16 décembre 2015 3 16 /12 /décembre /2015 08:48

L'image était émouvante et le symbôle fort, cette explosition d'allégresse et tous ces délégués s'étreignant à l'annonce de Laurent Fabius, président de la 21e Conférence des Parties à la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP 21), de l'acceptation par toutes les délégations, de l'Accord de Paris sur le climat. La planète venait d'être sauvée. In extremis. L'apocalypse climatique serait à présent derrière nous. Nous pouvons ranger nos thermomètres et nous pencher sur d'autres sujets tout aussi préoccupants : le terrorisme internationale, la protection universelle de la dignité humaine, le règlement des conflits internationaux, la prévention des crises alimentaires, humanitaires et sanitaires, les politiques internationales d'aide au développement. Mais avant cela, revisitons quand même l'accord auquel les négociateurs sont parvenus après deux semaines d'intenses tractations.

Bien évidemment, les avis sont partagés : entre ceux qui avaient prédit un non-accord, ceux qui n'accordent aucun bénéfice du doute au texte avant même son application, ceux qui y voient un mort-né ou, à l'inverse, prédisent un franc succès et, enfin, ceux qui recommandent veille et prudence. Pour ma part, l'Accord de Paris est un bon accord. Non pas forcément parfait (si tant est que la perfection est de ce monde), mais un bon accord. D'abord parce qu'il est l'expression d'une négociation internationale réussie (I). Ensuite parce qu'il est réaliste (II).

I. L'Accord de Paris sur le climat : expression d'une négociation internationale réussie

Pour apprécier objectivement l'Accord de Paris, il faut bien savoir d'où il vient, qu'il s'agisse des difficultés qui ont précé la COP 21 ou des objectifs qui étaient assignés à cette Conférence. Sur cette base, il y a lieu de se féliciter de ce que, non seulement ce texte règle les divergences des Parties aux négociations, mais en plus il réalise le mandat confié à la COP 21.

A. Un accord qui règle les divergences des gouvernements sur la question de la lutte contre le changement climatique

L'un des plus grands succès de l'Accord de Paris est d'avoir mis sur la même longueur d'onde l'ensemble des délégations sur une question aussi complexe et controversée que celle du changement climatique sur laquelle, le moins que l'on puisse dire, est que la communauté internationale était fortement divisée. Que ce soit sur la base de leur situation économique (pays développés vs pays en développement), de leur responsabilité historique et actuelle quant aux émissions de gaz à effet de serre (pays fortement pollueurs vs pays moins pollueurs) ou de leurs capacités d'adaptation aux effets néfastes des changements climatiques (pays vulnérables au changement climatique vs pays moins vulnérables), les intérêts des différents gouvernements étaient loin d'être convergents. Or Paris a réussi là où Copenhague a échoué en 2009 puisqu'il s'agissait déjà de définir le futur régime climatique qui devait entrer en vigueur à partir de 2013, à l'expiration du Protocole de Kyoto en décembre 2012. Mais c'est que les divergences étaient trop nombreuses et en apparence irréconciliables : (1) la nature juridique du futur accord (contraignant pour les uns et non contraignant pour les autres); (2) le niveau d'ambition nécessaire pour la stabilisation du climat mondial (entre une élévation de température de 1,5°C et 2°C par rapport aux niveaux préindustriels); (3) la répartition des niveaux de réduction des émissions entre pays développés, émergents et en développement (l'absence d'engagements contraignants pour certains pays comme la Chine ayant constitué l'un des motifs du refus des Etats-Unis de ratifier le Protocole de Kyoto et du retrait du Canada); (4) la question des pertes et préjudices (qui doit assumer les conséquences irréversibles du changement climatique ?); (5) l'universalité des engagements découlant de l'Accord ou leur circonscription à une catégorie d'Etats (comme c'est le cas du Protocole de Kyoto qui ne fixe d'engagements contraignants que pour les pays développés) et, last but not the least, (6) la question lancinante, du financement, du transfert des technologies et du renforcement des capacités en faveur des pays en développement. Bref, les désaccords ne manquaient pas. Toutes ces questions ont pourtant été réglées dans l'Accord de Paris et comme je l'ai dit en d'autres circonstances, en diplomatie, un accord, quel qu'en soit le contenu ou la portée, vaut toujours mieux qu'un non-accord. Paris a donc été un succès d'autant plus qu'il a abouti sur un texte qui réalise le mandat confié à la COP 21.

B. Un accord qui réalise le mandat confié à la COP 21

Après l'échec de la COP 15 à Copenhague en 2009, les gouvernements avaient décidé de reconduire le Protocole de Kyoto jusqu'en 2020, pour une seconde période d'engagement et, ce faisant, avaient pris rendez-vous en 2015 à Paris pour l'adoption du futur régime climatique post-Kyoto. Ainsi, lors de la COP 17 à Durban en 2011, ils ont établi le Groupe de travail spécial de la plate-forme de Durban pour une action renforcée (ADP) en vue de l'élaboration d'un protocole, un instrument juridique ou un texte convenu d'un commun accord ayant valeur juridique, qui doit entrer en vigueur à l'expiration du Protocole de Kyoto. A cet égard, la COP 17 a décidé que l'ADP "mènera à bien ses travaux dans les meilleurs délais mais au plus tard en 2015, afin que la Conférence des Parties adopte ledit protocole, instrument juridique ou texte convenu ayant valeur juridique à sa vingt et unième session et qu'il entre en vigueur et soit appliqué à partir de 2020". Pour la plupart des gouvernements, ce texte devait donc être ambitieux, universel, contraignant et flexible. L'Accord de Paris renferme toutes ces caractéristiques.

(1) L'Accord de Paris est un texte ambitieux dans la mesure où il doit permettre de contenir l'élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels (article 2). Selon les experts du Groupe international d'experts sur l'évolution du climat (GIEC), ce niveau d'ambition, s'il est effectivement atteint, permettrait d'éviter les perturbations climatiques dangereuses. Toutefois, la COP 21 a noté que les niveaux d'émissions globales de GES en 2025 et 2030 estimés sur la base des contributions prévues déterminées au niveau national (CPDN) des 188 pays qui les ont formulées ne sont pas compatibles avec cet objectif et des efforts supplémentaires de réduction des émissions seront nécessaires.

(2) L'Accord de Paris est universel dans la mesure où il prévoit des engagements d'atténuation et d'adaptation, certes volontaires, mais clairement exprimés sous la forme de CPDN, pour toutes les parties contractantes, qu'elles soient développées, émergentes ou en développement (article 3). Il marque une avancée et en même temps un recul par rapport à Kyoto...

(3) L'Accord de Paris est contraignant dans la mesure où chaque partie contractante, une fois qu'elle aura accompli les formalités internes d'expression du consentement définitif à être lié, engagera sa responsabilité internationale dans le cas où elle ne respecte pas ses engagements. Autrement dit, les engagements - volontairement exprimés - dans l'Accord sont obligatoires.

(4) L'Accord de Paris est flexible dans la mesure où il demeure sous la tutelle du principe de responsabilités communes mais différenciées et les obligations consenties par les Parties ne sont donc pas les mêmes (article 2, paragraphe 2). En outre, il prévoit que les Parties procèderont à un bilan mondial de sa mise en oeuvre tous les cinq ans à partir de 2023. "Les résultats du bilan mondial éclairent les Parties dans l'actualisation et le renforcement de leurs mesures et de leur appui selon des modalités déterminées au niveau national..." (article 4, paragraphe 3). C'est dire que le texte pourra être périodiquement révisé dans l'optique de le mettre en harmonie avec l'ambition prévue pour contenir l'élévation mondiale de la température.

II. L'Accord de Paris sur le climat : un accord réaliste

Passé l'émotion, une lecture attentive de l'Accord de Paris démontre bien qu'il s'agit d'un texte réaliste qui prend en compte son contexte, qu'il s'agisse des modalités de son entrée en vigueur ou des mécanismes de contrôle de sa mise en oeuvre.

A. Le réalisme au niveau des modalités d'entrée en vigueur

Contrairement à une certaine opinion non avertie, l'Accord de Paris n'est pas encore applicable, en dépit du consensus auquel les négociateurs sont parvenus. En effet, le texte devra être formellement signé par les différents gouvernements, lesquels, par la suite, devront exprimer leur consentement définitif à être lié (ratification, acceptation, approbation, adhésion) selon les modalités propres à chaque constitution nationale. En d'autres termes, même si les diplomates sont parvenus à un accord dit "historique", il faudra que les parlements nationaux, en tant que représentants des peuples, valident d'abord le texte avant son entrée en vigueur effective. Car, sans l'appui des peuples, le texte sera mort-né ! Et cela avant 2020, date d'expiration du Protocole de Kyoto qu'il est appelé à remplacer. Ce n'est pas gagné, mais c'est bien possible.

Pour ce faire, le texte prévoit à son article 20, paragraphe 1, qu' "il sera ouvert à la signature au Siège de l'Organisation des Nations Unies à New York du 22 avril 2016 au 21 avril 2017 et sera ouvert à l'adhésion dès le lendemain du jour où il cessera d'être ouvert à la signature". Plus loin, l'article 21 dispose qu'il "entre en vigueur le trentième jour qui suit la date du dépôt de leurs instruments de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion par 55 Parties à la Convention qui représentent au total au moins un pourcentage estimé à 55% du total des émissions mondiales de gaz à effet de serre". Au-delà donc de la validation du texte au niveau national, son entrée en vigueur est doublement conditionnée, quantitativement et qualitativement, dans un souci de réalisme et d'efficacité.

Quantitativement, il s'agit pour l'Accord d'être ratifié par au moins 55 des 195 Etats parties à la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. Qualitativement, il s'agit de dire que les 55 Etats ayant ratifié le texte ne doivent pas être n'importe lesquels. Ils devront faire partie des grands pollueurs de la planète représentant au moins 55% des émissions mondiales de GES afin d'assurer l'efficacité du texte. C'est pourquoi celui-ci devra être impérativement approuvé par les principaux pays industrialisés, notamment les Etats-Unis, les pays de l'Union Européenne, le Japon, l'Australie, mais aussi par les pays émergents, en particulier les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) quand bien même il atteindrait le quota des 55 ratifications. Pour cela, la cop 21 a créé un groupe de travail spécial pour préparer son entrée en vigueur.

B. Le réalisme au niveau des mécanismes de contrôle de la mise en oeuvre

Une fois que le texte sera entré en vigueur, les Parties auront alors l'obligation de mettre en application les engagements qu'elles ont contractés (atténuation, adaptation, financement, transfert des technologies, renforcement des capacités, éducation, sensibilisation, coopération internationale, etc.). A ce titre, un cadre de transparence renforcé des mesures et de l'appui a été créé par l'Accord (article 13) afin d'améliorer la confiance mutuelle et de promouvoir une mise en oeuvre efficace. Ainsi, les pays développés communiquent leurs appuis financiers (100 milliards de dollars au moins par an), technologiques et en termes de renforcement des capacités en faveur des pays en développement, tandis que ces derniers communiquent des informations sur l'appui dont ils ont besoin ou qu'ils ont reçu.

De même, un mécanisme pour faciliter la mise en oeuvre et le respect de l'Accord est institué (article 15). Il fonctionne d'une manière transparente, non accusatoire et non punitive. En effet, en ce domaine, au risque de parvenir au résultat contraire, il vaut mieux accompagner les Parties qui rencontrent des difficultés dans la mise en oeuvre de leurs obligations conventionnelles plutôt que de les mettre en accusation. C'est dire que le contrôle de l'application de l'Accord privilégie le dialogue et la concertation plutôt que la sanction, comme il est d'ailleurs coutume dans la majorité des accords environnementaux multilatéraux. Ce n'est donc pas ici qu'il faut s'attendre à une saisine de la Cour internationale de Justice pour non respect pas un Etat de ses engagements, bien que la compétence de la haute juridiction internationale ait été maintenue. C'est la preuve la plus patente du réalisme des négociateurs de Paris.

En somme, la COP 21 avait pour mandat d'adopter un accord pour remplacer le Protocole de Kyoto qui prend fin en 2020. Elle a fait son job. Il s'agit à présent d'accentuer les énergies sur les deux prochaines étapes. La première est celle de l'entrée en vigueur de l'Accord au plus tard en 2020. La seconde est celle de son application effective, le moment venu, par toutes les parties concernées. Dans un cas comme dans l'autre, tout dépendra de la bonne volonté des gouvernements, de la pression des opinions publiques, mais également d'un certain nombre de facteurs objectifs comme l'évolution de la situation économique mondiale, la sécurité dans le monde, l'existence et l'accessibilité d'alternatives crédibles aux énergies fossiles ou encore la position singulière des grands pays industrialisés et émergents.

Le chemin est donc encore long si l'on veut effectivement baisser la température... Paris n'était qu'une escale, certes réussie, et non la destination finale.

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5 août 2015 3 05 /08 /août /2015 09:19
L’idée de ce papier remonte à des conversations par la voie des sms, sur les causes du terrorisme international, que j’ai souvent eues depuis plusieurs années avec un ami dont j’ai fait la connaissance à l’Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) en 2008. Nos positions ont toujours été opposées sur le sujet et je me vois à présent dans l’obligation de rompre unilatéralement la « confidentialité » de notre dialogue amical pour le porter sur la place publique parce que je pense que l’heure est suffisamment grave pour continuer dans l’omerta. C’est que, lors de nos derniers échanges, qui faisaient suite aux récents attentats de Maroua et contre toutes attentes, il me « félicitait » alors de ce que, enfin, j’aurais compris que la source fondamentale du terrorisme mondial, dont notre pays subissait désormais les conséquences, était la religion musulmane.

Profondément irrité par cette grille de lecture simpliste à laquelle je ne m’associerai jamais et qui, pour ma part, ne résiste pas à l’analyse scientifique à laquelle, ensemble, nous avons pourtant été formés à l’IRIC, mais conscient de ce qu’elle est malheureusement partagée par une frange non négligeable de nos compatriotes (des observations de ce type ont désormais pignon sur rue dans les taxis, les débats de rue et même dans les administrations publiques), je me suis senti dans le devoir de troquer le clavier de mon téléphone par ma plume afin d’appeler la vigilance et l’attention des camerounais sur ce qui s’apparente, insidieusement mais dangereusement, à la montée de la stigmatisation religieuse dans notre pays.


L’autre face du discours extrémiste


Le terrorisme est sans doute l’un des fléaux les plus insaisissables et les plus haïssables du siècle commençant. Il se manifeste de façons diverses (attentats, prises d’otage, assassinats, etc.) et s’appuie sur des ressorts différenciés dont l’un des plus mobilisés et des plus médiatisés ces dernières années est le discours dit « islamiste » ou « djihadiste ». Il est en effet courant aujourd’hui, d’Islamabad à Tripoli, en passant par Bagdad ou Damas, de voir des auteurs d’actes terroristes et leurs commanditaires, au moment de les perpétrer ou de les revendiquer, faire référence au Saint Coran et à la doctrine du Prophète Mahomet. Ce discours se retrouve tout naturellement dans le mode opératoire du groupe Boko Haram – devenu récemment Province d’Afrique de l’Ouest de l’Etat Islamique en signe d’alliance avec la maison-mère qui sévit en Syrie et en Irak – dont le leader, Abubakar Shekau, déclarait dans une vidéo du 20 janvier 2015 : « Nous avons tué le peuple de Baga [allusion à des massacres dans la ville de Baga au Nigéria le 03 janvier 2015]. Nous les avons en effet tués, comme notre Dieu nous a demandé de le faire dans Son Livre ».

Mais, entre le discours et la réalité, il y a très souvent un fossé dans lequel certains esprits peuvent facilement trébucher. Même si beaucoup résistent au modèle manichéen des rapports humains que ces multinationales de la terreur veulent nous imposer, un grand nombre en revanche développe de manière symétrique, consciemment ou inconsciemment, un contre-discours qui, sur la forme, n’a rien de différent du discours de l’extrémisme religieux qu’eux-mêmes prétendent condamner.

C’est pourquoi j’ai tôt fait de ranger tout autant dans le registre d’un extrémisme dangereux, les propos de certains de nos compatriotes qui, cédant peut-être au désarroi des tragédies de l’Extrême-Nord, que tous nous condamnons évidemment, ou pour d’autres raisons, veulent en rattacher les sources à une religion, la religion musulmane en l’occurrence. Les voilà donc les vrais apprentis-sorciers qui risquent d’entraîner notre pays sur une pente raide, un engrenage, dont les conséquences seraient assurément désastreuses. En effet, un tel discours enracine un climat de méfiance et de suspicion, pour ne pas dire plus, entre les différentes communautés religieuses au Cameroun qui, depuis des décennies, ont pourtant vécu ensemble en bonne intelligence. Or, le musulman qui désormais se voit refuser l’accès à un moyen de transport en commun ou qui, dans la rue, reçoit des commentaires déplacés simplement en raison de la tenue qu’il a arborée (des cas de ce type sont de plus en plus rapportés) pourrait développer un sentiment de rejet, voire d’oppression, par ceux avec qui, hier encore, il vivait fraternellement. Toute chose qui favorise le repli identitaire et pourrait à terme aboutir, si rien n’est fait, à une fracture communautaire difficilement réversible. Ce n’est certainement pas cela que nous souhaitons pour notre pays.

On remarquera pourtant que, de bonne ou de mauvaise foi, ces nouveaux apôtres de la stigmatisation deviennent eux-mêmes des complices du discours de l’extrémisme religieux dont la conséquence est de semer le chaos dans les corps et les esprits en levant les croyances religieuses les unes contre les autres et en transformant en guerre de religions ce qui en réalité n’est qu’une macabre lutte d’intérêts pour le pouvoir et l’argent. Une lutte d’intérêts dans laquelle, malheureusement, le travestissement des préceptes coraniques et des enseignements du Prophète est réduit à un simple moyen d’action comme les autres (armes de guerre, explosifs, nouvelles technologies, ressources financières, alliances, etc.) que ces groupes utilisent pour atteindre leur funeste fin, laquelle n’a rien à voir avec la religion.


Les intellectuels en sentinelles de la République


C’est pourquoi, en ces moments d’incertitude, où une partie de la population camerounaise est en quête de sens, il est un impératif de faire barrage à la montée de la stigmatisation de la religion musulmane, d’autant plus que les premières victimes des tueries de masse jusque là perpétrées au Cameroun par l’ex-Boko Haram sont les adeptes même de l’islam. La preuve avec le bilan (humain, matériel, psychologique) des récents attentats de Fotokol et de Maroua. Le scénario d’une guerre de religions (Dieu nous en préserve) serait donc le pire qui puisse arriver à notre pays et personne n’a intérêt à le souhaiter ou à le provoquer. Que les hommes se soulèvent les uns contre les autres uniquement en raison de leur appartenance religieuse voire de leur style vestimentaire, que l’on s’attaque à un X simplement parce qu’il est un fidèle d’Allah ou que l’on élève des soupçons à l’égard d’un Y précisément parce qu’il a mis une gandoura ou un hijab, ce serait abattre l’une des richesses de l’exceptionnalisme camerounais qui fait la fierté de notre pays dans le monde et constitue l’un des socles de notre unité nationale : la tolérance interreligieuse. Aussi, même dans la tourmente actuelle, notre Gouvernement ne doit pas confondre vitesse et précipitation, il ne doit pas perdre le sens du discernement en prenant des mesures qui pourraient être mal interprétées et conforter certaines attitudes de stigmatisation. Car comme le relevait à juste titre un universitaire camerounais à l’occasion d’un débat télévisé, face à ces attentats, « le problème ce n’est pas la burqa, c’est la bombe ». Par conséquent il faut s’attaquer à la bombe et non à la burqa. Cette petite phrase est lourde de sens et de puissance ; elle doit être prise très au sérieux par chacun d’entre nous, au risque que des « mesures finalement démesurées » ne fournissent des arguments supplémentaires aux agents recruteurs de la multinationale terroriste qui feraient beau jeu de pointer du doigt des « représailles » qui, selon eux, seraient alors dirigées contre des symboles de l’Islam. Ce n’est pas le problème de la légalité de ces mesures qui est en cause ici mais celui de leur légitimité, de leur proportionnalité et surtout de la perception que les uns et les autres pourraient en avoir.

Soyons donc prudents dans nos propos et attitudes. La situation est certes grave, mais la réaction, y compris à nos échelles individuelles, doit faire l’objet de la plus grande vigilance et de la plus grande lucidité. C’est la raison pour laquelle les intellectuels camerounais doivent davantage se faire entendre sur la scène publique au sujet de ce qui est en train de se passer dans notre pays. Plus que jamais, ils ont un rôle déterminant à jouer dans la sauvegarde du consensus national face à un phénomène auquel nous autres camerounais n’avons été jusque là confrontés, pour la plupart, que dans les médias internationaux. Une nouvelle page de l’histoire qui pourrait affecter durablement l’avenir de notre pays est donc en train de s’écrire. Le Cameroun, « chère patrie, terre chérie », notre havre de paix, traverse une zone de turbulence. C’est le moment pour nos travailleurs de la plume et du verbe d’agir sur le terrain où on les attend le plus. Au moment où notre nation est attaquée par un dangereux ennemi que l’on dit invisible, ils ont la responsabilité historique, à défaut de dévoiler le visage de l’ennemi, d’éviter qu’on lui colle un visage qui ne correspond pas à la réalité car les camerounais ne doivent pas se tromper d’ennemi ! C’est pourquoi nos intellectuels doivent pouvoir, grâce à leur expertise, à la rigueur et à la sagacité de leurs analyses, non seulement éclairer les décideurs politiques dans le diagnostic de la menace qui nous guette et la recherche des mesures de riposte qui pourraient être envisagées, mais également renseigner l’opinion publique afin de lui éviter de céder à l’amalgame, à la psychose, à la désinformation et aux manipulations de toutes sortes.

Le peuple camerounais ne doit pas périr faute de connaissance. Face à l’adversité, il doit rester uni dans toutes ses composantes pour faire face à l’ennemi commun. Si, comme le relevait Platon, « nul n’est méchant volontairement », on en déduit alors dans une logique aristotélicienne que le mal peut parfois résulter d’une ignorance du bien, que la méfiance et finalement la discorde peuvent découler d’une méconnaissance de l’autre. C’est pourquoi je pense que les intellectuels camerounais ont la lourde responsabilité de se poser définitivement en sentinelles aux fins de sauvegarder l’union sacrée de tous camerounais autour des valeurs fondamentales de la République que sont la liberté, l’égalité, la laïcité et la citoyenneté. Pour que demeurent la paix et la tolérance entre toutes les composantes de notre cher et beau pays le Cameroun.
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30 décembre 2013 1 30 /12 /décembre /2013 15:00

Voilà bientôt deux ans que dure cette tradition : chaque fin d’année, je procède à un inventaire éclectique et sans doute subjectif des faits qui ont marqué l’année qui s’achève, au niveau mondial, continental et national.

C’est un exercice peu évident, au regard du flot d’informations que nous déversent au quotidien les médias et autres réseaux sociaux, mais exaltant dans la mesure où il me permet de rester connecté au monde qui bouge.

Ainsi, au niveau de la géopolitique mondiale, mon fait le plus marquant en 2013 est la renaissance de l’empire soviétique, depuis le retour au sommet du pouvoir du Président Poutine il y a un an. Celui-ci a ainsi pu peser de tout son poids sur les termes de l’accord sur le nucléaire iranien (peut-être facilité aussi par l’arrivée au pouvoir iranien d’un modéré en la personne d’Hassan Rohani), il a mis son veto à une intervention militaire en Syrie (en dépit du drame humain insupportable auquel on assiste toujours dans ce pays), ainsi qu’à la signature de l’accord d’association entre l’UE et l’Ukraine (contraignant ainsi les manifestants pro-européens à passer les fêtes de fin d’année dans la rue, sous un froid glacial) et accordé l’asile à Edward Snowden, contre l’avis des Etats-Unis, son pays d’origine, en révélant au grand jour le programme mondial de surveillance électronique orchestré par Washington sous le nom « Prism ». L’année 2014 semble donc nous introduire vers un nouveau monde articulé autour du G3 (Etats-Unis, Chine, Russie) où l’Europe, engluée dans la crise économique, semble de moins en moins influente sur la conduite des affaires internationales, tandis que l’Afrique attend toujours la compassion étrangère pour sortir de sa situation de marasme.

Le monde (de ceux pour qui la démission c’est fait pour les extra-terrestres) a été ébranlé par le renoncement du Pape Benoît XVI à la tête de l’Eglise catholique, aussitôt remplacé par le Pape François, lequel a apporté un souffle nouveau au sein de l’Eglise pour que le Magazine américain Time le considère comme la personnalité de l’année. Pas suffisant pour en faire le prix Nobel de la paix car pour une deuxième année consécutive, ce prestigieux prix revient à une organisation internationale (l’OIAC) et non à un individu. Eh oui, où sont les hommes (et les femmes) ? Question d’autant plus lancinante que l’année 2013 a été endeuillée par le départ de grands hommes d’Etat qui ont marqué l’histoire (positivement ou négativement selon les camps) : Nelson Mandela, icône parmi les icônes, qui même dans sa mort a su rapprocher les peuples (avec notamment la poignée de main historique, lors de la cérémonie d’hommage, entre Barack Obama et Raul Castro, après près de 50 ans de gel diplomatique entre les Etats-Unis d’Amérique et Cuba), Hugo Chavez (le leader de la fronde anti-yankee en Amérique latine), Margareth Thatcher (la dame de fer), Stéphane Hessel (inspirateur du mouvement des indignés), Jacques Verges (l’avocat du diable).

Une fois de plus, la France est intervenue au Mali (menacé de tomber dans l’escarcelle de l’islamisme terroriste) et en RCA (où anti-balaka et séléka s’affrontent sur fond de rivalité politico-religieuse après un énième coup d’Etat dans ce pays) pour remettre de l’ordre en Afrique. Elle est allée plus loin encore en accueillant le Sommet de l’Elysée sur la paix et la sécurité en Afrique. Mais où est donc l’Union Africaine ? Elle a célébré son cinquantenaire et après ? Où sont les organisations continentales sous-régionales ? En tout cas, la nature a horreur du vide.

C’est pourquoi on peut se réjouir de l’initiative des autorités camerounaises d’avoir organisé et abrité le Sommet du Golfe de Guinée sur la sécurité et la sûreté maritime, lequel a permis de poser les jalons d’une mutualisation des forces afin de relever les multiples défis auxquels la zone est confrontée.

Au niveau proprement interne, au plan politique, les institutions prévues par la constitution de 1996 continuent de se mettre progressivement en place. C’est le cas du Sénat dont le premier fait d’armes a été « l’accrochage » avec l’Assemblée nationale au sujet des émoluments des « vénérables » plutôt que sur les dossiers chauds de la République. Peut-être parce que la représentation nationale est issue d’une nouvelle législature qui a relativement modifié le paysage politique. Les conseils municipaux aussi ont été renouvelés et Bakassi est « définitivement » camerounaise.

Au plan socio-économique, les problèmes d’eau et d’électricité son allés en s’intensifiant, on attend toujours les incidences des grands projets, ainsi que les voitures chinoises qu’on nous a promises.

Au niveau culturel, le colloque de Yaoundé sur le civisme est venu nous rappeler que la situation sur ce plan est problématique. Même l’Archevêque de Yaoundé a démissionné ! On espère que le premier salon du livre de Yaoundé nous replongera dans la quête des véritables savoirs dont notre pays a besoin pour « émerger ».

En sport, les Lions indomptables ont restauré la fierté nationale en se qualifiant pour la coupe du monde 2014 au Brésil, le plus dur commence maintenant… si on veut éviter la débâcle de 2010. Tout comme pour MTN Elite one qui envisage de passer de 14 à 18 clubs pour poursuivre dans la lancée du professionnalisme dont la première année d’expérience n’a vraiment pas été concluante. Le retrait de sponsors privés comme MTN et Camrail n’est d’ailleurs pas de nature à rassurer.

En quelques mots, 2014 annonce de nombreux défis. L’espoir fait vivre…

A tous et à chacun, bonne et heureuse année 2014.

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4 novembre 2013 1 04 /11 /novembre /2013 08:34

Qu’est-ce qu’être juriste ? Tel est le défi scientifique auquel s’attaque le Professeur Alain Didier Olinga dans une récente publication à la thématique peu courante en droit. De nombreux « juristes » camerounais se sont en effet penchés sur la constitution camerounaise, d’autres sur la mise en œuvre du droit international au plan national ou sur le rôle du juge dans divers types de contentieux. D’importantes monographies produites par des « juristes » ont ausculté les problématiques les plus diverses relevant du droit civil, de la procédure pénale, du droit de l’environnement ou du droit commercial, etc. mais aucune étude d’envergure, jusque là, n’a traité, d’un point de vue herméneutique, du concept même de « juriste ». Qui doit-on considérer comme « juriste » ? L’étudiant en faculté de droit ? L’enseignant de droit ? Le professionnel du droit (magistrat, avocat, huissier, jurisconsulte, chef de la cellule ou de la division juridique d’une administration ou d’une entreprise, etc.) ?

Avec l’ouvrage du Professeur Olinga, Qu’est-ce qu’être juriste ? Eléments pour une dogmatique éthique, publiée en 2013 aux Editions CLE, la question s’enrichit d’une contribution pionnière dont l’originalité, la profondeur et la trame foncièrement axiologique sont la marque de fabrique de son auteur.

De la nécessité de remettre quelques pendules à l’heure

D’entrée de jeu, le sous-titre associé au titre principal de l’ouvrage (Eléments pour une dogmatique éthique) traduit l’option philosophique de la démarche, mais aussi la prise de position sans équivoque de son auteur. Oui, il s’agit bien d’une œuvre de philosophie juridique, non pas articulée sur le droit lui-même, mais sur les valeurs et finalités de celui-ci, et qui introduit le lecteur dans un champ de recherche en friche et peu fréquenté aussi bien des juristes que des philosophes de notre pays. Comme le souligne l’auteur lui-même à l’entame de son propos, l’urgence de cette œuvre, dont le projet certes est bien plus ancien, s’est faite pressante dans un contexte particulier de la vie sociopolitique du Cameroun où, au sujet de débats d’intérêt pour le pays, « délibérément ou involontairement, les possesseurs (réels ou autoproclamés) du savoir juridique ont été embarqués dans la mêlée et les controverses politiques (…) Le brouillage quant au statut des uns et des autres s’est avéré patent, la prise de parole ‘juridique’ étant fort peu distinguée de la prise de parole politique, militante ou idéologique ou tout simplement citoyenne » (p. 13). Cette réflexion contribue donc à lever un coin du voile qui continue de couvrir ce qui fait l’identité du juriste, en tant qu’acteur du champ social, dans un environnement où les tâches juridiques sont sans cesse croissantes et où tout le monde se croit juriste, mais également où les cloisons ont résolument tendance à s’affaisser et où l’on n’est plus seulement juriste.

L’ouvrage du Professeur Olinga, en tout état de cause, ne peut laisser aucun lecteur indifférent. Certes, l’approche philosophique, à certains égards, peut rendre quelques passages plus ou moins hermétiques mais, la thèse de l’auteur, elle, est suffisamment claire. En effet, même s’il est difficile d’aborder sous le même prisme toutes les catégories de juristes, ceux-ci devraient s’identifier, non seulement par un savoir-faire et un savoir-penser minimum commun en matière de droit, mais surtout, « en sus de ce savoir-faire, [le juriste] est celui qui a été saisi par la conscience de l’importance éthique de son savoir, en particulier à notre sens d’un savoir devant être résolument mis au service de la dignité de la personne humaine » (p. 30). C’est ce que le Professeur qualifie de « dogmatique éthique », laquelle doit être le trait caractéristique du juriste.

La « dogmatique éthique », trait caractéristique du juriste

La dogmatique éthique, en quelques mots, c’est l’heureuse conciliation entre la rigueur méthodologique du juriste et l’impératif humaniste qui doit l’animer. Cela, l’auteur le soutient et le démontre dans les trois grandes parties qui structurent son œuvre.

La première partie est intitulée « Le juriste, adepte d’un code méthodologique ». Ici, l’auteur montre que le juriste se caractérise en premier lieu par sa méthode, celle-là qui permet de le distinguer des autres acteurs s’investissant dans l’environnement social. En effet, « la connaissance du droit est d’abord une affaire de méthode, un mélange de savoir et de savoir-faire. Il faut savoir analyser, raisonner, interpréter, quel que soit l’ordre juridique ou le domaine matériel concerné » (p. 37). En cela, le juriste est d’abord quelqu’un qui maîtrise la norme (qu’elle soit d’origine textuelle, jurisprudentielle ou autre), car celle-ci est la base première de son travail. Mais, au risque d’apparaître comme un vulgaire « obsédé textuel » (p. 41) ou de sombrer dans le « juridisme » (p. 41), d’apparaître comme un banal « réciteur » (p. 59) faisant partie des simples « descripteurs du droit » (p. 90), la norme n’est pour lui que le point de départ de son raisonnement. En identifiant celle qui est la plus appropriée en fonction de la situation, il doit pouvoir l’interpréter, en dégager la charge significative dans un contexte particulier, ainsi que les enjeux qui la sous-tendent. Aussi note-t-il avec lucidité qu’ « on peut donc maîtriser le contenu substantiel de codes entiers, de piles de recueils de jurisprudence nationale, étrangère ou internationale, mais si l’on n’a pas la tournure d’esprit et de raisonnement que donnent la théorie et la dogmatique juridiques, l’on n’a pas d’éducation juridique, l’on n’est pas juriste » (p. 59). Mais ce n’est pas tout.

« Le juriste, serviteur d’une éthique humaniste » ; telle est la seconde partie de l’ouvrage. C’est ici que les convictions de l’auteur s’affichent de plus en plus et, l’on est même tenté de le dire, que son engagement s’affirme. Il assume la répudiation de la thèse kelséniène de la « théorie pure du droit », celle d’un droit qui serait aseptisé de toute considération politique ou axiologique, car produit d’ « une société parfaite » (p. 98), et dont le juriste n’en serait que le promoteur. Que non ! Dans la mesure où le droit à un moment donné peut devenir l’instrument d’une politique dangereuse d’asservissement des humains, l’éthique humaniste qui doit caractériser le juriste ne l’autorise pas à rester indifférent face à une telle dérive. C’est en ce sens que l’éminent Professeur « n’est clairement pas d’avis que critiquer la loi ou le droit soit une activité extérieure au métier de juriste ou, pire, nécessairement, ‘une opération politique’, que l’on mènerait en opérant un ‘abus de qualité de juriste’, en s’en prévalant pour dissimuler son engagement politique » (p. 73). Et d’ajouter : « Sauf ceux chez pour qui le travail sur le droit est dicté uniquement par le souci de valider des parcours académiques ou d’assurer sa promotion dans le corps de l’enseignement supérieur, sans autre ambition scientifique ou pratique particulière, il semble évident qu’il n’y a pas d’investissement dans le travail juridique savant sans choix éthique, axiologique, moral » (p. 75). En d’autres termes, en s’engageant dans le combat en faveur de l’humanisme et de la dignité humaine, le juriste n’est pas déchu de son statut ; il ne sort pas de son rôle mais, bien au contraire, son investissement social prend tout son sens et légitime son action.

« Plaidoyer pour une dogmatique éthique », troisième partie de l’ouvrage, apparaît in fine comme la plus riche contribution du Chef de Département de droit international de l’Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) dans la philosophie du droit. Et l’on ne peut que s’en réjouir, dans un contexte où la littérature camerounaise est peu friande de ce type de réflexions, lesquelles pourtant sont la matrice qui façonne l’état d’esprit des humains, quel que soit le champ de leur activité. La dogmatique éthique, certes, procède d’abord d’une démarche positiviste. Il s’agit pour le juriste de restituer d’abord l’état du droit positif, quelle que soit l’opinion qu’il pourrait s’en faire. Mais au-delà de ce récit, il doit avoir la lucidité – et dans une certaine mesure le courage – d’opérer le passage du « quoi » à celui du « comment ou du pourquoi » (p. 92). En cela, la dimension éthique dans sa démarche apparaît comme le référent qui l’incitera toujours à promouvoir entre plusieurs normes, celles qui protègent la liberté, la justice et l’équité, ainsi que d’autres valeurs positives, ou de remettre en cause les normes iniques dans le cas où celles-ci sont les seules en vigueur. En un mot comme en plusieurs, « c’est une dogmatique éthique qui doit guider les juristes en général, les juristes des sociétés qui émergent ou entendent émerger à l’Etat de droit et à la démocratie en particulier. On ne peut, lorsque l’on est juriste, se permettre d’être un pur normativiste dans un environnement social où le droit est encore fortement ‘saisi’ par la politique, un contexte où le respect de la culture du droit est encore à construire » (p. 97). Abordant la question du destinataire de la dogmatique éthique, le Professeur insiste respectivement sur le juriste savant et le juge, principaux contributeurs à l’interprétation des règles de droit, acteurs qui peuvent ainsi éviter à ces règles de prendre des tournures qui en feraient un motif de rébellion des citoyens (pp. 104-105).

En fin de compte, c’est en toute logique qu’il peut dénoncer les juristes conservateurs, partisans d’un statu quo nuisible à l’épanouissement de l’homme. Pour lui, « le juriste doit être, non pas un rhéteur ou un glossateur perdu dans les nuées et arguties de toutes sortes, non pas un marchand sans scrupule éthique de son savoir, mais un ferment de la mutation positive de sa société, un défenseur acharné de l’Etat de droit et de la démocratie, un défenseur intransigeant des droits et libertés des personnes, à commencer par les plus vulnérables, ‘les victimes de la dureté du monde’, un partisan déterminé de l’amélioration ‘du sort des statutairement faibles’, un promoteur d’un espace sécurisé pour les activités économiques légitimes et les patrimoines matériels ou immatériels régulièrement constitués » (p. 111).

Que dire de plus ?

L’ouvrage du Professeur Olinga est une œuvre utile, tant pour les juristes, s’il en est, que pour les non juristes. Sa lecture, laquelle, soit-il dit en passant, est une opportunité idoine de remise en cause personnelle de tous ceux qui, à un moment où à un autre de leur vie, se sont considérés comme juriste, permet de passer au scanner cet acteur vital dans la régulation de la vie politique et sociale. Comme Bjarne Melkevik, « convaincu que le droit doit occuper le terrain tout en gardant une saine distanciation par rapport aux convictions éthiques des uns et des autres » (Réflexions sur la philosophie du droit, L’Harmattan et Les Presses de l’Université de Laval, 2000, p. 2), on peut ne pas être d'accord avec les thèses qui y sont développées, ce qui est tout à fait normal dans le champ de la recherche. Il n’en demeure pas moins que cette publication est un bel écho à l’appel lancé par le regretté Jean-Marc Ela, pour qui « d’Afrique aussi doivent surgir des savoirs dont le monde d’aujourd’hui a besoin » (L’Afrique à l’ère du savoir : science, société et pouvoir, L’Harmattan, 2006, p. 243). Et le monde d’aujourd’hui exprime un profond besoin d’éthique…

Toutefois, l’on peut penser que la dimension éthique du juriste, plus qu’un trait de caractère que l’on peut aisément objectiver ou acquérir, est d’abord l’expression des valeurs d’humanisme qui imprègnent l’auteur de cet ouvrage. On est tenté de croire que le juriste qu’il appelle de ses vœux n’est pas seulement le « juriste supérieur » (p. 30) ou « accompli » (p. 109) dont il parle, celui qui fait partie des « grands de la famille » (p. 108) et dont la postérité garde un souvenir heureux et indélébile, mais c’est aussi d’un juriste idéal (pas forcément parfait) qu’il s’agit ; idéalisme auquel malheureusement les exigences actuelles de la société et de la vie quotidienne ne prédisposent pas tous les ouvriers et architectes du droit. En effet, au-delà des convictions personnelles des uns et des autres, la dogmatique éthique semble être davantage adaptée au juriste qui dispose d’une marge de manœuvre suffisante, celui dont les positions sont dictées, certes par la norme dans ses diverses virtualités, mais surtout par sa conscience et ses convictions intimes. Celui-là qui ne reçoit pas d’ « instructions de la hiérarchie » ou qui ne ploie pas, comme le disait le Professeur Kamto, sous « la dictature du besoin » (L’urgence de la pensée. Réflexions sur une précondition du développement en Afrique, Editions Mandara, p. 29), bref qui ne peine pas sous la tyrannie des pressions de toutes sortes (professionnelles, financières, sociales ou autres). Mais, ayons le courage de le dire, c’est de ce juriste que la société camerounaise a besoin aujourd’hui ; le Professeur Alain Didier Olinga en fait partie.

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5 juin 2013 3 05 /06 /juin /2013 08:49

Alors que les lampions du dernier Sommet de l’Union Africaine viennent à peine de s'éteindre (Sommet au cours duquel la CPI a fait l’objet de tirs groupés pour son "acharnement" contre les leaders politiques africains), la juridiction pénale internationale permanente fait encore parler d’elle en rendant deux importantes décisions. Prises par la Chambre préliminaire I de la Cour respectivement le 31 mai et le 3 juin 2013, elles concernent les affaires Le Procureur c/ Saïf Al-Islam Kadhafi et Abdallah Al-Senoussi d’une part et Le Procureur c/ Laurent Gbagbo d’autre part. Certes, les deux affaires étant à des phases de procédure différentes, il est quelque peu malaisé de les traiter ensemble mais la Cour, dans un cas comme dans l’autre ayant décidé de rester saisie de ces dossiers (sur des motifs bien évidemment différents), il devient alors intéressant de s’interroger sur les motivations de la haute juridiction, ceci à la lumière du Statut de Rome, des faits des différentes causes et des accusations de "chasse raciale" dont elle fait l'objet.

I. QUE DIT LE STATUT DE ROME ?

1. L’affaire Kadhafi et la problématique du principe de complémentarité

L’affaire Kadhafi, au stade actuel, pose le problème de la mise en œuvre du principe cardinal de la complémentarité, lequel est au cœur même du système judiciaire pénal international institué par le Statut de Rome. Conformément à ce principe, la CPI n’est compétente pour une affaire que pour autant que l’Etat sur lequel les crimes graves ont été commis n’a pas la volonté ou les moyens de poursuivre les auteurs. En d’autres termes, si un Etat met en mouvement son appareil répressif, la Cour, en principe, doit se limiter à un rôle de spectateur. Si tel n’est pas le cas et que la Cour fait de « l’acharnement judiciaire », l’accusé, la personne à l’encontre de laquelle un mandat d’arrêt a été délivré, l’Etat compétent à l’égard du crime, peuvent demander à la Cour de s’abstenir de se prononcer sur l’affaire (voir les articles 17 et 19 du Statut de Rome), notamment en soulevant une exception d’irrecevabilité. C’est ce qu’ont fait les autorités de Libye dans l’affaire Saïf Al-Islam.

Sauf que la Cour n’est pas que spectateur ; elle est aussi arbitre. C’est à elle qu’il revient d’apprécier si un Etat a la volonté ou la capacité de mener véritablement les poursuites nécessaires. Elle s’assure par là que la procédure interne ne vise pas simplement à soustraire l’accusé des filets de la justice par une parodie de procès ou encore que les conditions sont réunies pour que la procédure puisse être conduite avec toutes les garanties du procès équitable. Si, de son avis, tel n’est pas le cas, elle peut se saisir d’office de l’affaire et l’Etat en cause a l’obligation de coopérer avec elle.

2. L’audience de confirmation des charges dans l’affaire Gbagbo

Pour ce qui est de l’affaire Gbagbo, celle-ci est déjà à la phase de l’audience de confirmation des charges. Ici, l’article 61 (1) du Statut de Rome dispose que dans un délai raisonnable après la remise de la personne à la Cour, la Chambre préliminaire tient une audience pour confirmer les charges sur lesquelles le Procureur entend se fonder pour requérir le renvoi en jugement. Il s’agit de dire s’il y a suffisamment d’éléments de preuve justifiant l’ouverture d’un procès en bonne et due forme contre l’accusé. A l’issue de cette audience, la Chambre peut confirmer les charges (ce qui ouvre la voie à un procès sur le fond), ne pas confirmer les charges (l’accusé est ainsi libéré) ou ajourner l’audience en demandant au Procureur de revoir sa copie (une nouvelle audience de confirmation des charges doit alors se tenir dans un délai raisonnable).

II. QU’EN EST-IL PRECISEMENT DE LA POSITION DE LA CPI DANS LES CAS D’ESPECE ?

1. La Cour estime que la demande du Procureur de juger Kadhafi devant la CPI est recevable

Les autorités libyennes ont soulevé une exception d’irrecevabilité contre la demande du Procureur de la CPI, au motif que depuis l’arrestation du fils du défunt « Guide de la révolution libyenne », des poursuites sont exercées contre lui au plan national. Elles ont en outre réitéré formellement leur volonté et leur capacité de poursuivre le fils Kadhafi pour les faits de crime contre l’humanité qui lui sont reprochés.

Pour la Chambre préliminaire de la Cour, lorsqu’un Etat soulève l’exception d’irrecevabilité, deux questions doivent être résolues : existe-il des enquêtes ou des poursuites au niveau national au moment où l’exception est soulevée ? L’Etat a-t-il une véritable volonté et capacité d’exercer de telles enquêtes ou poursuites ?

Sur le premier point, la Chambre estime que les faits pour lesquels Saïf Al-Islam est poursuivie en Libye n’étant pas substantiellement identiques à ceux pour lesquels la Cour le poursuit (d’autant plus que le crime contre l’humanité n’existe pas dans la législation libyenne), il n’est pas possible de dire que des enquêtes ou poursuites sont exercées contre l’accusé au sens du Statut de Rome.

Sur le second point, la Cour a estimé que la Libye n’a pas la capacité d’exercer les enquêtes et poursuites nécessaires en raison de la situation d’insécurité dans le pays et de l’effondrement de son système judiciaire. Pour ce faire, elle s’appuie sur l’incapacité du Gouvernement à assurer la sécurité de Saïf Al-Islam pour son transfert de son lieu de détention (Zintan) à la capitale (Tripoli), ainsi que son incapacité à garantir un procès équitable à ce dernier, notamment par la protection des témoins ou même de ses avocats.

Compte tenu de tout cela, la Chambre n’a pas jugé utile d’examiner la question de la « volonté de juger » des autorités libyennes. Elle a ainsi estimé que c’est à la Cour de connaître de cette affaire et que la Libye devait lui remettre le suspect.

2. L’audience de confirmation des charges est ajournée, faute d’éléments de preuve suffisants contre le Président Gbagbo

Dans le cas Gbagbo en revanche, la Chambre appelée à se prononcer sur la confirmation des charges qui pèsent sur l’ancien homme fort de Côte d’Ivoire (crime contre l’humanité) a estimé que les éléments de preuve produits par le Procureur sont insuffisants : la majorité des faits incriminés dans les actes d’accusation sont sommaires de sorte que la Chambre n’a pas pu déterminer si les auteurs des crimes perpétrés avaient agi dans les conditions exigées par l’article 7 du Statut de Rome portant sur le crime contre l’humanité.

En outre, le Procureur n’a pas produit suffisamment d’éléments probants permettant à la Cour d’établir un lien entre le Président Gbagbo et les soi-disant « forces pro-Gbagbo », accusées des exactions qui ont suivi les élections contestées de novembre 2010 en Côte d’Ivoire.

Toutefois, pour la Chambre préliminaire de la Cour, ces carences ne sont pas suffisantes, pour le moment, pour qu’elle se refuse de confirmer les charges qui pèsent sur l’ancien président ivoirien. Aussi décide-t-elle d’ajourner l’audience de confirmation des charges, conformément à l’article 61 (7)(c)(i) du Statut de Rome, en demandant au Procureur de produire des éléments de preuve supplémentaires. Elle estime que cette décision ne porte pas atteinte aux droits de M. Gbagbo, notamment la tenue de l’audience de confirmation des charges dans un délai raisonnable.

III. QUELLES LECONS EN TIRER ?

Il est pour moi important de partir d’un postulat très important : la CPI a été créée, non aux fins de pourchasser qui que ce soit, mais pour lutter contre l’impunité, laquelle prend racine dans les carences des systèmes de répression au niveau national. Parler donc de « chasse », fut-elle « raciale », pour désigner l’action de la CPI, cela ne peut être possible que dans des zones où des crimes sont commis en toute impunité (bien évidemment nous sommes d’accord que ces crimes ne sont pas commis en Afrique seulement et le Procureur, sur ce point, devrait prendre ses responsabilités comme il l’a fait dans le cas kenyan).

Le cas libyen nous enseigne ainsi que la lutte contre l’impunité ne se décrète pas, elle ne se proclame pas à coups de slogans mais se vérifie à l’aune de faits concrets et palpables que les autorités du pays n’ont pas pu fournir devant la Chambre préliminaire de la CPI.

Dans le cas ivoirien, la Cour a démontré que des indices farfelus ne sont pas suffisants pour qu’une affaire soit renvoyée à la phase de jugement. Le transfert d’une personne devant la Cour n’est pas synonyme de condamnation définitive et, en l’espèce, il n’est pas exclu que celle-ci se prononce en faveur de la libération de M. Gbagbo lors de la prochaine audience de confirmation des charges.

En somme, l’Etat libyen qui détient encore Saïf Al-Islam Kadhafi peut refuser de le transférer à la Cour comme elle le demande ; la Cour elle-même peut bien libérer le Président Gbagbo à la suite de la prochaine audience de confirmation des charges ; les Etats africains peuvent décider de suspendre leur coopération avec la Cour sur le mobile de la « chasse raciale » qu’elle mène contre leurs dirigeants. Mais une question à mon avis demeure essentielle : vers qui doivent se tourner les pauvres victimes qui réclament justice ?

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1 mai 2013 3 01 /05 /mai /2013 16:26

La fumée blanche est apparue : le décret portant organisation du Ministère des Relations Extérieures (MINREX) a été signé par le Chef de l’Etat, Chef de la Diplomatie camerounaise le 22 avril 2013. Aussi, la présente réflexion, qui elle-même fait suite à mon article du 14 juin 2012 publié dans ce blog sur les nouvelles attributions du MINREX découlant du décret du 09 décembre 2011 portant organisation du Gouvernement, vise non pas à commenter le nouveau décret (ce qui va paraître fade pour certains c’est vrai), mais à mettre simplement en exergue les principales innovations qu’il apporte par rapport à la précédente mouture du 30 juillet 2005. Cela étant dit, les innovations que l’on note globalement concernent aussi bien la structuration du Ministère que ses attributions.

I. INNOVATIONS AU PLAN DE LA STRUCTURATION DU MINISTERE

1. Les innovations qui affectent l’ensemble de la structure du Ministère

Sur ce point, la donnée première qui attire l’attention est certainement le passage de dix à douze Directions, suite à l’érection des deux précédentes Divisions (respectivement en charge des camerounais à l’étranger et des affaires juridiques) en Directions.

Il y a également une réduction substantielle des services rattachés au Secrétariat Général, qui passent de huit à cinq. En particulier, on note d’une part la création du Centre d’analyses stratégiques, de prospective et de crise (et c’est pour moi la plus grande innovation de ce texte) et, d’autre part, la transformation de la Cellule informatique en une Cellule des nouvelles technologies et de la cryptographie.

On relève en outre la création, dans chaque Direction, d’un Bureau des archives en charge de la collecte, du classement, de la conservation, de la sécurisation et de la centralisation des copies de tout document produit par la Direction concernée.

2. Les innovations affectant la structuration de certains services

L’Inspection générale chargé des questions administratives, financières et d’éthique professionnelle devient l’Inspection générale en charge des services. L’ancienne Cellule de traduction est érigée en Division. La Direction Afrique dispose d’une nouvelle Sous-Direction en charge des relations avec le Nigéria. Les Affaires juridiques passent de trois Cellules à deux Sous-Directions. L’Antenne protocolaire de Douala passe de trois Services à deux Sous-Directions tandis que l’ancienne Sous-Direction du personnel et de la solde de la Direction des affaires générales (DAG) éclate en deux Sous-Directions en charge de la gestion des carrières des personnels diplomatiques et autres catégories de personnels, ce qui met fin à la confusion qui existait avec l’ancienne Cellule de gestion des carrières aujourd’hui dissoute.

II. INNOVATIONS AU NIVEAU DES ATTRIBUTIONS DU DEPARTEMENT

1. Innovations d’ensemble

A regarder de près, le décret de 2013 apporte un certain nombre d’innovations d’ensemble non négligeables du point de vue des compétences au sein du MINREX.

Au niveau de la fonction de contrôle interne au Département, l’Inspection générale voit son autonomie et ses attributions élargies : autonomie vis-à-vis du Secrétariat général, élargissement des attributions notamment en ce qui concerne l’audit interne ou encore le pouvoir désormais formel d’informer le Ministre sur la qualité du fonctionnement et du rendement des services.

Il y a également le renforcement, voire la formalisation d’une synergie entre le Département et le milieu de la recherche. En effet, le Centre d’analyses qui a été créé devra travailler avec le milieu académique et les centres de recherche ; une bibliothèque dotée d’ouvrages et de revues spécialisés devra être constituée notamment dans les domaines de la géopolitique, des relations internationales, de l’histoire, de la géographie, du droit international et de l’économie internationale. A ce titre, des relations doivent être établies avec les services de bibliothèques d’institutions internationales comme l’ONU, la CIJ, la Banque Mondiale, le Commonwealth, la Francophonie, l’UA et la CEMAC. Il faut d’ailleurs noter que la nouvelle Direction des affaires juridiques est désormais en charge des études juridiques, même si cette tâche n’est pas clairement définie.

La recherche des offres d’emploi dans la fonction publique internationale, en faveur des cadres camerounais, devient une attribution statutaire des Directions pertinentes (Afrique, Europe, Asie, Nations Unies, Francophonie, Commonwealth), sous la coordination de la DAG.

L’évaluation systématique devient une tâche courante au niveau du Département.

2. Innovations particulières

La Cellule des nouvelles technologies et de la cryptographie (ancienne Cellule informatique) reçoit des attributions nouvelles, notamment en matière de cryptographie, c’est-à-dire des techniques permettant de chiffrer et de coder des messages.

La Cellule de suivi désormais va tenir et mettre à jour l’agenda diplomatique du Ministre et du Secrétaire général.

La Direction des affaires juridiques également voit ses attributions élargies dans la mesure où désormais la mise en place et la tenue d’un recueil des accords internationaux du Cameroun devient une de ses attributions statutaires. En outre, elle est en charge des études juridiques, du suivi du contentieux international concernant le Cameroun et du suivi des engagements internationaux de l’Etat.

La Direction des camerounais à l’étranger, des étrangers au Cameroun, des réfugiés et des questions migratoires s’approprie un certain nombre d’attributions autrefois exercées par la Sous-Direction des affaires consulaires de la Direction du protocole. Elle s’occupera désormais, en plus de la diaspora camerounaise, de la politique migratoire du Cameroun, qu’il s’agisse des personnes qui entrent au Cameroun de façon ordinaire ou en qualité de réfugié.

La Direction de la communication, de la documentation et des archives diplomatiques exerce désormais les tâches de communication et non plus d’information (phagocyte ainsi l’ancienne Cellule de la communication). A ce titre, elle devra notamment gérer la communication externe du MINREX (porte parole du Département ?), ainsi que le bulletin d’information ou toute autre publication intéressant le Département. Cette Direction en outre devra mettre sur pied un système moderne de gestion des archives diplomatiques, notamment la conduite d’un projet d’archivage électronique et établir des relations avec les Archives nationales et les autres institutions analogues nationales ou étrangères. C’est également cette Direction qui est désormais en charge de l’accueil et de l’orientation des usagers.

La DAG devra développer des relations avec les centres et institutions nationaux et étrangers d’accueil des stagiaires et d’offres de formation. Elle devra en outre promouvoir le genre au sein du Département.

Voilà ainsi résumée ma perception des principales innovations du nouveau décret organisant le MINREX. Je ne pourrais achever ces développements sans toutefois mentionner que si les fonctions des services extérieurs sont mieux précisées, conformément à la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, le nouveau texte prévoit désormais que certains postes sont réservés en priorité aux titulaires du grade de Ministre plénipotentiaire : il s’agit du Secrétaire général, des Inspecteurs généraux, des Directeurs et des Chefs d’Antennes.

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20 février 2013 3 20 /02 /février /2013 08:40

Le greffe   de la Cour Internationale de Justice fait sa mue pourrait-on dire. Seulement, il ne s’agit pas d’un changement systématique encore moins d’une mutation profonde de l’ensemble du greffe de la Cour. Il s’agit simplement du renouvellement d’un poste non négligeable au sein du principal organe administratif de la Cour : celui du greffier adjoint ; renouvellement déclenché par l’annonce de la démission prochaine, le 15 mars 2013, de Mme Thérèse de Saint Phalle , greffier adjoint actuel de la Cour. Suite au constat de cette vacance de poste, le président de la Cour, conformément aux dispositions de l’article 23 du Règlement de cette juridiction internationale, a notifié la vacance de poste aux autres membres de la cour, fixé une date pour la clôture de la réception des candidatures nouvelles et surtout, a procédé à l’organisation des élections en vue de l’élection d’un nouveau greffier adjoint.

C’est chose faite depuis le lundi 11 février 2013, date à laquelle M. Jean-Pelé Fometé, juriste et diplomate de nationalité camerounaise, a été élu comme greffier adjoint de la Cour Internationale de Justice pour un mandat de sept (07) ans, conformément au communiqué de presse de la Cour publié en date du 12 février 2013. Cette élection, qui arrive à point nommé, marque non seulement la continuité dans la politique d’anticipation de la Cour en ce qui concerne le renouvellement de ces organes de fonctionnement, mais aussi, incline à jeter un regard sur le statut, voire même, les fonctions du greffier adjoint au sein du principal organe judicaire de la Cour.

I. Retour sur une élection statutaire

L'élection de M. Jean-Pelé Fomété comme greffier adjoint de la Cour Internationale de Justice le 11 février 2013 est avant tout une élection statutaire, qui s’est faite conformément aux règles prescrites par les dispositions de l’article 22 du Règlement de la Cour tel qu’adopté le 14 avril 1978 et entré en vigueur le 1er juillet de la même année. En effet, plusieurs éléments peuvent rendre compte de cet état de choses.

D’entrée de jeu, il convient de rappeler les dispositions pertinentes de l’article 23 du Règlement de la Cour qui dispose que « La Cour élit un greffier adjoint ; les dispositions de l’article 22 du présent Règlement s’appliquent à son élection et à la durée de son mandat ». Ces dispositions qui semblent dégager un régime juridique commun applicable tant au greffier qu’au greffier adjoint, opèrent un renvoi aux dispositions de l’article 22 du Règlement, qui donne plus de précisions sur la procédure qui encadre l’élection du greffier adjoint de la Cour Internationale de Justice.

A ce titre, il convient d’abord de noter qu’il s’agit d’une élection qui se fait au scrutin secret parmi les candidats proposés par les membres de la Cour. Deux éléments importants sont à relever ici. D’abord, le sceau du secret ou mieux de la confidentialité qui marque fondamentalement l'élection du greffier adjoint de la Cour et ensuite,  la source des candidatures. A l’observation, tel que le prévoient les dispositions liminaires de l’article 22 alinéa 1 du Règlement de la Cour, « la Cour élit son greffier au scrutin secret… ». Le communiqué de la Cour qui annonce  l’élection de M. Jean-Pelé Fomété comme greffier adjoint renchérit en affirmant que « La Cour Internationale de Justice a élu, au cours d’une séance privée… ». C’est bien la marque du sceau de la confidentialité qui imprègne l’élection du greffier adjoint de la Cour. Il s’agit en effet, de préserver non seulement tout le magistère qui caractérise la fonction de greffier adjoint, mais aussi et surtout, l’éminence sobre et le prestige juridictionnel qu’incarne la Cour Internationale de Justice. Ce souci de discrétion est aussi important pour la garantie de la  bonne qualité de l’élection qui doit être épargnée des vicissitudes de la publicité.

Bien plus, la marque de confidentialité est encore plus perceptible au niveau de l’origine des candidatures, lesquelles, selon les dispositions de l’article 22 du Règlement de la Cour, proviennent des juges de la Haute juridiction. En effet, seuls les juges, membres de la Cour ont qualité pour faire des propositions de candidature. Ces propositions doivent être accompagnées de « tous renseignements utiles sur les candidats et indiquer notamment leur âge, leur nationalité, leurs occupations actuelles, leurs titres universitaires, leurs connaissances linguistiques, et leur expérience du droit, de la diplomatie ou des affaires des organisations internationales »

Cette disposition renseigne à suffisance sur quelques critères qui sont évalués et pris en compte par les membres de la Cour dans leurs propositions de candidature au poste de greffier ou de greffier adjoint. Il s’agit avant tout de « tous renseignements utiles ». Cette formule quelque peu vague et imprécise peut très bien prêter à équivoque surtout au niveau de l’appréciation de ce qui peut être considéré comme un « renseignement utile ». En toute objectivité, qu’est-ce qu’un renseignement utile ? Il s’agit là d’une bonne interrogation. Mais loin d’avoir la prétention de s’y étendre plus densément, il faut noter que la suite des dispositions de l’article 22 alinéa 3 du Règlement de la Cour donne quelques indications non négligeables qui peuvent permettre de comprendre, et surtout de donner un contenu substantiel à la notion de « renseignements utiles ». Il peut en effet s’agir de :

-          L’âge et la nationalité du candidat ;

-          Les occupations actuelles du candidat ;

-          Les titres universitaires du candidat ;

-          Les connaissances linguistiques du candidat ;

-          L’expérience du candidat dans le domaine du droit, de la diplomatie ou des affaires des organisations internationales.

Loin d’être exhaustifs, ces critères permettent d’entrevoir le profil du candidat au poste de greffier adjoint à la Cour. A priori, ils dénotent la volonté pour les membres de la Cour d’élire le meilleur candidat c’est-à-dire celui-là qui  non seulement aura réuni sur l’ensemble des candidats en compétition la maximum des qualités professionnelles requises et des compétences exigées ; mais aussi, qui aura réussi à emporter la conviction des membres de la Cour.

C’est dire en conséquence que M. Jean-Pelé Fomété qui a été élu lundi dernier a réussi par la qualité de son profil à emporter la conviction objective et subjective de la majorité des membres de la Cour Internationale de Justice. Pour s’en convaincre, il est utile de jeter un regard sur le portrait du nouveau greffier adjoint du principal organe judiciaire de l’Organisation des Nations Unies.

Mais avant, il semble important de préciser que conformément aux dispositions de l’article 22 du Règlement, M. Jean-Pelé Fomété a été élu pour un mandat de sept (07) ans, à la majorité des membres de la Cour. Il succèdera à Mme Thérèse de Saint Phalle dont la démission effective prendra effet à la date du 15 mars 2013. Ce qui signifie tout simplement que le tout premier mandat de M. Jean-Pelé Fomété commencera à courir à compter du 16 mars 2013 date à laquelle, il doit entrer en fonction par l’exécution de la tradition cardinale du serment dont la formule solennelle est prévue à l’article 24 du Règlement et se lit comme suit :

« Je déclare solennellement  que je remplirai en toute loyauté, discrétion et conscience les devoirs qui m’incombent en ma qualité de Greffier (adjoint) de la Cour Internationale de Justice et que j’observerai fidèlement toutes les prescriptions du Statut et du Règlement de la Cour ». 

Aussi, il ne faut pas omettre de préciser que le greffier adjoint de la Cour reste rééligible.

II. Portrait synoptique du nouveau greffier adjoint de la Cour Internationale de Justice

Comment comprendre et interpréter l'élection de M. Jean-Pelé Fomété comme greffier adjoint de la Cour Internationale de Justice ? Trois figures de ce juriste peuvent donner des pistes de réponse à cette question : d’abord celle du juriste-chercheur ; ensuite, celle d’un professionnel expérimenté dans la fonction du greffe des organes juridictionnels internationaux ; et enfin, celle du diplomate.

D’abord, M. Jean-Pelé Fomété est un « juriste hors-classe » et un chercheur aguerri. Juriste en effet, car il est docteur en droit. Par ailleurs, il a occupé les fonctions de Conseiller juridique du greffier du Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) et celles de Juriste au sein du greffe du Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). Bien plus, en tant que chercheur aguerri, entre 1988 et 1996, M. Jean-Pelé Fomété a été Secrétaire général du Centre d’études et de recherches en droit international et de l’environnement, et consultant senior au Cabinet Brain Trust Consulting Inc. Au plus, il est l’auteur de publications scientifiques parmi lesquelles figure en bonne place cet article co-signé par Roland Adjovi et publié dans le volume VI de l’Annuaire Français des Relations Internationales en 2005 qui s’intitule, « Les relations entre le Tribunal pénal international pour le Rwanda et les Etats. L’obligation de coopération dans l’exécution du mandat du Tribunal ».

Ensuite, M. Jean-Pelé Fomété est un professionnel expérimenté de la fonction de greffier au sein des juridictions internationales. En effet, il a commencé à servir au greffe du TPIYen tant que juriste, avant de rejoindre l’équipe du TPIR où pendant cinq (05) ans il a été conseillé juridique et assistant spécial du greffier. Par la suite, il a servi le greffe du TPIRen tant que Directeur de programmes pendant sept (07) ans avant de rejoindre une autre équipe professionnelle, celle du Tribunal du contentieux administratifde l’Organisation des Nations Unies à Nairobi où il est actuellement greffier depuis 2009.

Au vu de ce qui précède, l’on comprend bien qu’au-delà de ses titres universitaires, M. Jean-Pelé Fomété se présente comme un professionnel pétri d’expérience et surtout, bien acclimaté aux réalités et aux hautes exigences professionnelles de la fonction de greffier. Il a commencé à œuvre au sein des greffes des tribunaux pénaux internationaux, puis au sein du TCANU et aujourd’hui, c’est au sein du principal organe judiciaire de l’Organisation des Nations Unies qu’il devra désormais faire valoir ses compétences au service de la justice internationale.

Enfin, M. Jean-Pelé Fomété est un diplomate camerounais, car de 1991 à 1996, il a été chef du service des organes politiques et juridiques de l’ONU au Ministère des Relations Extérieures du Cameroun.

Ces trois figures rendent comptent à suffisance de la qualité du profil de M. Jean-Pelé Fomété  dont la candidature à reçu l’approbation de la majorité des membres de la Cour. L’on peut enfin s’appesantir sur la configuration actuelle du greffe de la Cour Internationale de Justice.

III. Regard sur la Configuration actuelle du greffe de la Cour Internationale de Justice

L'élection de M. Jean-Pelé Fomété comme greffier adjoint de la Cour introduit logiquement une réforme dans la configuration du personnel du greffe sur lequel il importe de jeter un regard. Cette configuration connaîtra une légère modification occasionnée par la démission prochaine du greffier actuel, Mme Thérèse de Saint Phalle, de nationalité française et américaine qui a été élue le 9 octobre 2007, et dont le mandat a commencé à courir le 19 février 2008. Elle n’achève pas son mandat initial de sept ans et démissionne après 5 ans de service. Cette légère modification est marquée par l’entrée en fonction prochaine de M. Jean-Pelé Fomété en tant que nouveau greffier adjoint de la Cour qui devra assister M. Philippe Couvreur, de nationalité belge, actuel greffier de la Cour.

Toutefois, il convient de présenter l’historique des précédents greffiers adjoints de la Cour. De manière chronologique voici la liste des personnes qui ont occupé le poste de greffier adjoint au sein de la Cour. Il s’agit de :

 

Cette chronologie permet de faire quelques constats non négligeables :

Premièrement, au niveau de la représentation des pays, il ne faudrait pas se méprendre par exemple sur le fait que la France par exemple a majoritairement occupé le poste de greffier adjoint au sein de la Cour. En effet, le greffe à la différence de la Cour en elle-même est un organe technique qui manifestement n’est pas soumis à la règle traditionnelle du respect de la représentation équitable des grandes formes de civilisation ou encore des principaux systèmes juridiques du monde. A ce titre, les Etats n’interviennent pratiquement pas dans le processus de désignation du greffier ou de son adjoint. Seuls les juges ont ici la qualité et le pouvoir de choisir par le biais d’un vote la personne qui doit assumer les fonctions de greffier ou de greffier adjoint.

Deuxièmement, l’Afrique n’avait pas encore eu l’occasion de se faire représenter au sein de cet organe administratif qu’incarne le greffe de la Cour. C’est chose faite avec l’élection de M. Jean-Pelé Fomété qui est appelé à assister comme on l’a précédemment relevé le greffier de la Cour dans l’exercice de ses fonctions et surtout, de le remplacer valablement en cas d’absence ou de vacance de poste jusqu’à que ce que celui-ci soit pourvu, conformément aux dispositions de l’article 27 alinéa 1 du Règlement de la Cour.

Bien plus, il est à noter que le greffier adjoint « s’est récemment vu confier des responsabilités plus larges en matière administrative, telles que la supervision directe du service des archives, du service de l’informatique et du service des affaires générales ».

Somme toute, l’élection de M. Jean-Pelé Fomété, comme greffier adjoint de la Cour Internationale de Justice traduit une réalité simple désormais avérée en droit international : les juridictions internationales ont-elles aussi une vie institutionnelle qui est animée par le travail remarquable des professionnels et experts qui concourt chaque jour à leur donner la place qui est la leur dans la régulation de la scène internationale et l’encadrement des rapports entre les divers sujets du droit international.

 

BANZEU Rostand



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28 décembre 2012 5 28 /12 /décembre /2012 09:28

Dans un monde en mouvement permanent, où les tressaillements de l’actualité n’obéissent à aucune convenance paradigmatique, l’exercice de rétrospective est toujours une aventure périlleuse, de surcroît lorsque celui-ci doit couvrir l’ensemble d’une année. Par ce mea culpa, je vous prie d’excuser (sinon de compléter) les omissions que vous relèverez, quoique toute rétrospective, à défaut d’être exhaustive, est subjective et que, pour ma part, l’année qui s’achève a été moins riche en sensations que 2011.

Au plan international, le renouvellement de l’élite dirigeante de certaines grandes nations (France, Chine, Japon), tout comme le choix de la continuité (Etats-Unis, Russie) n’impliquera certainement pas de grands bouleversements en 2013 dans les relations internationales. On comprend mieux pourquoi les négociations climatiques de Doha n’ont pas enregistré d’avancées remarquables, ou encore que la situation en Syrie et en Palestine demeure dans l’impasse, au grand dam de nombreuses victimes civiles innocentes.

Le « choc des civilisations » n’a pas eu lieu, en dépit des provocations de Boko Haram au Nigéria ou de « L’innocence des musulmans », qui a enflammé le monde arabe durant plusieurs semaines. Barack Obama était davantage préoccupé par sa réélection et les inondations géantes qui frappaient New York.

L’Union Européenne a reçu le prix Nobel de la paix pour son rôle dans la transformation de l’Europe d’un continent de guerre à un continent de paix. Ce faisant, je m’offre le luxe de nourrir le même et légitime espoir pour mon Continent, lequel a malheureusement montré une fois de plus le visage d’une insécurité persistante (Mali, RDC, Somalie, Soudan), voire résurgente (Côte d’Ivoire, RCA), malgré les perfusions venant de toutes parts. Même les printemps arabes tardent à produire leurs fruits. L’accession d’une femme à la tête de la Commission de l’Union Africaine permettra-t-elle d’inverser la tendance ?

En attendant la réponse dans les prochaines années – pourquoi pas en 2013 – Usain Bolt et Lionel Messi ont définitivement inscrits leurs noms dans les tablettes de l’histoire, aux côtés de la Roja espagnole, qui a réalisé un triplé inédit.

Au Cameroun, les « Grandes Réalisations » sont en marche. La lutte contre la corruption et les détournements de deniers publics se sont poursuivis « en s’intensifiant », notamment avec la mise en place d’un Tribunal Criminel Spécial ; le budget programme a été adopté : on attend maintenant les résultats dans le panier de la ménagère, le quotidien du citoyen lambda (accès à l’eau, à l’électricité, désenclavement des périphéries, etc.) et … la poche du fonctionnaire.

Le feuilleton « Vanessa Tchatchou » s’est estompé sur un goût d’inachevé, pour laisser la place aux inondations qui ont frappé certaines régions du pays, en particulier dans la partie septentrionale, répandant tragédie et désolation. Heureusement on a pu apprécier la solidarité nationale et internationale en action. Les états généraux de la communication ont permis de nourrir l’espoir d’un toilettage du monde des médias et de la communication au Cameroun.

En revanche, la désillusion est encore venue de l’Equipe fanion qui, pour la deuxième fois consécutive, nous privera des sensations de la CAN de football. Décidément ça devient sérieux ! Une légende du football s’en est allée (Théophile Abéga), une autre est née (Rigobert Song).

Dieu merci ! La fin du monde n’a pas eu lieu. On pourra donc rouler avec les voitures chinoises en 2013.

A tous et à chacun, je vous invite à faire de cette année qui commence, une année meilleure, une année d’espérance et de tolérance. Bonne et heureuse année 2013.

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2 décembre 2012 7 02 /12 /décembre /2012 14:39

        

Dans un contexte où le discours politique est à la professionnalisation des enseignements, le souci de la cohérence et de la pertinence exige de marquer un temps d’arrêt sur le stage académique, exercice obligé des étudiants de certaines institutions de formation et grandes écoles. Et, à l’observation, il ressort que le stage académique, en dépit de ce qu’il est obligatoire pour l’étudiant dans l’optique de l’obtention de son diplôme de fin de formation, navigue encore dans une sorte de vide juridique et un grand nombre d’étudiants sont encore victimes de nombreuses tribulations dans la quête du précieux sésame, ainsi qu’au moment de son exercice proprement dit.

Il n’existe pas, à ce jour, de définition juridique du stage académique. Il faut toutefois le distinguer du stage de vacances (très souvent réservé aux jeunes qui effectuent des tâches matérielles chez un employeur, moyennant une rémunération forfaitaire), de l’apprentissage (formation professionnelle qu’une personne reçoit d’un chef d’établissement sur la base d’un contrat écrit, moyennant en retour, engagement à exécuter les instructions et les tâches qui lui sont confiées), de l’engagement à l’essai, souvent appelé stage pré-emploi (phase d’observation préalable à la conclusion d’un contrat définitif, durant laquelle l’employeur apprécie la qualité des services du travailleur et son rendement, tandis que ce dernier apprécie les conditions de travail, de vie, de rémunération, d’hygiène, de sécurité ainsi que de climat chez l’employeur) et du stage professionnel (réservé aux travailleurs ou fonctionnaires en poste, en vue d’accroître leurs performances, leur efficacité et leur rendement professionnels).

Le stage académique en revanche peut être appréhendé comme une période durant laquelle un étudiant exerce des activités auprès d’un employeur, en vue de se familiariser avec le milieu professionnel et de parfaire ses connaissances académiques.

L’article 16 du décret N°08/0249/MINESUP du 11 septembre 2008 portant statut commun des étudiants des institutions universitaires publiques du Cameroun prévoit que

(1)                     En vue d’accroître ses capacités et ses possibilités d’insertion socio-professionnelle, (…) l’Etat assure à l’étudiant une formation académique et professionnelle de qualité.

(2)                     A cet effet, l’Etat garantit à l’étudiant le droit d’accès aux enseignements et aux activités concourant à sa formation totale dans le cadre de la réglementation en vigueur.

Cela étant, le stage académique naviguant encore dans un vide juridique, les développements qui suivent se feront pour l’essentiel de lege ferenda.

I. Les droits et obligations de l’étudiant stagiaire

            L’étudiant a droit à une formation professionnelle, c’est-à-dire qui lui donne les aptitudes et les prédispositions à l’emploi. Le droit à la formation professionnelle inclut le droit à un stage académique. A côté de ce droit à l’accès au stage, figure le droit à un suivi durant le stage. Celui-ci suppose qu’un encadreur soit mis à la disposition de l’étudiant stagiaire afin de l’accompagner durant le stage, de clarifier ses préoccupations et de l’aider dans la rédaction de son rapport de fin de stage, lorsqu’il s’agit d’une condition posée par l’institution de formation ou la structure d’accueil.

            L’étudiant stagiaire doit avoir accès à la documentation disponible dans la structure d’accueil et bénéficier d’une rémunération lorsqu’il contribue de façon avérée à l’activité de celle-ci, notamment par le renforcement de son rayonnement ou l’amélioration de la productivité et du rendement.

            D’un autre côté, l’étudiant stagiaire devrait se soumettre aux exigences de sa structure d’accueil, notamment en se conformant à la règlementation de la structure (ponctualité, habillement, comportement, etc.) et en accomplissant les tâches académiques ou professionnelles qui lui sont confiées. Il devrait être soumis au respect du secret professionnel pour toutes les informations auxquelles il a eu accès durant son stage, y compris au terme de celui-ci.

II. Les droits et obligations de l’institution de formation

            Les institutions de formation devraient avoir l’obligation de trouver un stage à leurs étudiants, qui corresponde à leur cycle et discipline de formation. Cela devrait être une obligation de résultat, et non de moyen, qui très souvent se limite à la délivrance de lettres de recommandation. En outre, l’institution de formation devrait assurer le suivi de l’étudiant pendant le stage, aux fins de s’assurer de l’accomplissement effectif dudit stage, dans le respect et la promotion de l’image de l’institution de formation.

Par conséquent, l’institution de formation a le droit d’exiger de l’étudiant admis à un stage académique de produire un rapport sanctionnant ledit stage, suivant un contenu académique défini à l’avance. Ce rapport de stage fait l’objet d’une évaluation devant un jury associant le personnel enseignant et celui de la structure où le stage a été effectué. Il appartient à l’institution de formation, qui peut en assurer la diffusion, ainsi que l’exploitation par elle-même ou par d’autres, en fonction de sa pertinence.

III. Les droits et obligations des structures d’accueil des stagiaires

            Les structures d’accueil des stagiaires ont le droit d’exiger à ces derniers de se conformer à leur réglementation interne applicable au personnel. Toutefois il sera tenu compte des exigences particulières du stage académique et de la situation du stagiaire.

En particulier, les structures d’accueil devraient avoir l’obligation de fournir des stages académiques aux étudiants. A cet égard, des conventions de partenariat peuvent être conclues avec les institutions de formation, en vertu desquelles elles s’engagent à recevoir chaque année des étudiants pour des stages. Pour cela, un cadre d’accueil (bureaux, encadreurs, documentation, etc.) pourrait être aménagé aux fins de leur permettre de tirer le maximum de profit du stage académique.

            Le stage devrait être sanctionné par la délivrance d’un certificat de stage, signé par le principal responsable de la structure d’accueil, son suppléant ou le responsable en charge des ressources humaines ou toute autre personne prévue par la réglementation interne.

           

Tous ces développements peuvent sembler utopiques pour certains, mais réalistes non seulement pour toute personne soucieuse d’une formation de qualité et proche des exigences du milieu professionnel, mais également pour toute personne qui à un moment donné de sa formation, a recherché un stage académique. En effet, le stage académique n’est pas une partie de plaisir. Il fait partie de la formation de l’étudiant et de l’avènement de ressources humaines à même d’accompagner le projet d’émergence du Cameroun et, de ce fait, ne devrait pas être l’affaire de l’étudiant uniquement. Mon vœu est donc celui de l’avènement d’une politique de formation professionnelle plus ambitieuse, qui accorde une prédilection au stage académique des étudiants.

 

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17 octobre 2012 3 17 /10 /octobre /2012 08:03

Cette réflexion peu ordinaire, puisqu’elle ne traite pas de droit comme il est d’usage dans ce blog, a été un peu imposée par le contexte, celui de la commémoration de la mort de ce leader historique et charismatique africain, orateur hors pair, THOMAS SANKARA, qui a consacré son existence à ses idées et à ses convictions. 25 ans après son tragique décès (le 15 octobre 1987), je voudrais personnellement lui rendre hommage en mettant en lumière un florilège de ses discours qui, à n’en point douter, sont encore d’une actualité saisissante.

THOMAS SANKARA est né le 21 décembre 1949 à Yako en Haute-Volta (actuel Burkina Faso). Au-delà de son statut de militaire (Capitaine d’armée) et d’homme politique (Secrétaire d’Etat à l’information, Premier Ministre puis Chef de l’Etat), il fut un panafricaniste, un pacifiste, un humanisme, un altermondialiste, un féministe, un écologiste, mais surtout un révolutionnaire.

Voici ce qu’il a dit :

« Les ennemis du peuple, ce sont encore les hommes politiques qui ne parcourent la campagne que lorsqu’il y a des élections (…) Est-ce que vous êtes d’accord que nous maintenions dans notre administration des fonctionnaires pourris ? Est-ce que vous êtes d’accord que nous maintenions dans notre armée des militaires pourris ? Alors il faut les chasser. Nous les chasserons. Cela va nous coûter la vie peut-être, mais nous sommes là pour prendre des risques. Nous sommes là pour oser et vous êtes là pour continuer la lutte coûte que coûte (…) Lorsque vous allez à l’hôpital pour une hémorragie ou une fracture, même si vous êtes sur le point de tomber en syncope, on préfère vous laisser sans soins et s’occuper du rhume d’un président, d’un premier ministre ou d’un ministre, simplement parce que vous êtes hommes du peuple, ouvrier. Il faut dénoncer tout cela chaque jour » (Qui sont les ennemis du peuple – discours du 26 mars 1983).

« Et ce n’est pas un acte de charité ou un élan d’humanisme que de parler de l’émancipation de la femme. C’est une nécessité fondamentale pour le triomphe de la révolution. Les femmes portent sur elles l’autre moitié du ciel (…) Ce n’est pas non plus l’acquisition de diplômes qui rendra la femme égale à l’homme ou plus émancipée. Le diplôme n’est pas un laissez-passer pour l’émancipation. La vraie émancipation de la femme, c’est celle qui responsabilise la femme, qui l’associe aux activités productives, aux différents combats auxquels est confronté le peuple. La vraie émancipation de la femme c’est celle qui force le respect et la considération de l’homme. L’émancipation tout comme la liberté ne s’octroie pas, elle se conquiert. Et il incombe aux femmes elles-mêmes d’avancer leurs revendications et de se mobiliser pour les faire aboutir »(Discours d’orientation politique – 2 octobre 1983)

 « Nous proposons également que les structures des Nations Unies soient repensées et que soit mis fin à ce scandale que constitue le droit de veto. Bien sûr, les effets pervers de son usage abusif sont atténués par la vigilance de certains de ses détenteurs. Cependant, rien ne justifie ce droit : ni la taille des pays qui le détiennent ni les richesses de ces derniers (…) L’absence de l’Afrique du Club de ceux qui détiennent le droit de veto est une injustice qui doit cesser (…) Sans formation patriotique, un militaire n’est qu’un criminel en puissance (…) Il faut proclamer qu’il ne peut y avoir de salut pour nos peuples que si nous tournons radicalement le dos à tous les modèles que tous les charlatans de même acabit ont essayé de nous vendre vingt années durant. Il ne saurait y avoir pour nous de salut en dehors de ce refus là. Pas de développement en dehors de cette rupture (La liberté se conquiert – discours aux Nations Unies le 4 octobre 1984)

« Nous ne sommes pas contre le progrès, mais nous souhaitons que le progrès ne soit pas anarchique et criminellement oublieux des droits des autres. Nous voulons donc affirmer que la lutte contre la désertification est une lutte pour l’équilibre entre l’homme, la nature et la société. A ce titre, elle est avant tout une lutte politique et non une fatalité » (Sauver l’arbre, l’environnement et la vie tout court – discours du 5 février 1986).

 « Monsieur le président : combien sont-ils les chefs d’Etat qui sont ici présents alors qu’ils sont dûment appelés à venir parler de l’Afrique en Afrique ? Monsieur le président : combien de chefs d’Etats sont prêts à bondir à Paris, à Londres, à Washington lorsque là-bas on les appelle en réunion mais ne peuvent pas venir en réunion ici à Addis-Abeba en Afrique ? Ceci est très important (…) Il est normal que nous ayons aussi notre club et notre groupe. Faisons en sorte que dès aujourd’hui Addis-Abeba devienne également le siège, le centre d’ou partira le souffle nouveau du Club d’Addis-Abeba contre la dette ». (La dette – discours au Sommet de l’OUA le 29 juillet 1987).

 « Pour la société nouvelle, il nous faut un peuple nouveau, un peuple avec son identité propre, un peuple qui sait ce qu’il veut, qui sait s’imposer et qui sait ce qu’il faut pour atteindre les objectifs qu’il s’est fixé (…) La Révolution démocratique et populaire a besoin d’un peuple de convaincus et non d’un peuple de vaincus, d’un peuple de convaincus et non d’un peuple de soumis qui subissent leur destin (…) Il est nécessaire, il est urgent que nos cadres et nos travailleurs de la plume apprennent qu’il n’y a pas d’écriture innocente. En ces temps de tempêtes, nous ne pouvons laisser à nos seuls ennemis d’hier et d’aujourd’hui, le monopole de la pensée, de l’imagination et de la créativité. Il faut, avant qu’il ne soit trop tard, car il est déjà trop tard, que ces élites, ces hommes de l’Afrique, du Tiers Monde, reviennent à eux-mêmes, c’est-à-dire à leur société, à la misère dont nous avons hérité pour comprendre non seulement que la bataille pour une pensée au service des masses déshéritées n’est pas vaine, mais qu’ils peuvent devenir crédibles sur le plan international, qu’en inventant réellement, c’est-à-dire, en donnant de leurs peuples une image fidèle. Une image qui leur permette de réaliser des changements profonds de la situation sociale et politique, susceptibles de nous arracher à la domination et à l’exploitation étrangères qui livrent nos Etats à la seule perspective de la faillite (…) l’esclave qui n’est pas capable d’assumer sa révolte ne mérite pas que l’on s’apitoie sur son sort. Cet esclave répondra seul de son malheur s’il se fait des illusions sur la condescendance suspecte d’un maître qui prétend l’affranchir. Seule la lutte libère et nous en appelons à toutes nos sœurs de toutes les races pour qu’elles montent à l’assaut pour la conquête de leurs droits » (Avec le peuple – discours du 4 août 1987)

« C’est vrai, on ne tue pas les idées. Les idées ne meurent pas. C’est pourquoi Che Guevara, qui était un concentré d’idées révolutionnaires et de don de soi, n’est pas mort parce qu’aujourd’hui vous êtes venus [de Cuba] et nous nous inspirons de vous (…) Je voudrais dire : qu’est-ce que le Che ? Le Che pour nous, c’est d’abord la force de conviction, la conviction révolutionnaire, la foi révolutionnaire dans ce que tu fais, la conviction que la victoire nous appartient, que la lutte est notre recours (…) C’est pourquoi conviction, humanisme, exigence font de lui le Che. Et ceux qui savent rassembler en eux ces vertus, ceux qui savent rassembler en eux ces qualités, cette conviction, cet humanisme et cette exigence peuvent dire qu’ils sont comme le Che : des hommes parmi les hommes, mais surtout des révolutionnaires parmi les révolutionnaires »(Discours d’hommage à Che Guevara).

 

Mon opinion est que THOMAS SANKARA fut un grand esprit, un intellectuel et un visionnaire. Je vous invite à lire ses discours, vous vous rendrez compte qu’ils sont d’une actualité surprenante et confirment véritablement qu’on ne tue pas les idées…

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