Ubi societas ibi jus
L'émergence progressive des préoccupations écologiques à l’échelle de la planète, suite à une série de catastrophes maritimes (Torrey Canyon, Amoco Cadiz, Exxon Valdez, Erika, etc.) et industrielles (Seveso, Three Mile Island, Bhopal, Tchernobyl, etc.) a semblé minorer les intérêts fondamentaux du Continent noir, au pinacle desquels sans doute se trouvent la paix, la sécurité et le développement. Une certaine opinion africaine a alors cru devoir conclure, au regard de telles prémisses, que la protection de l’environnement ne faisait pas partie des priorités de notre Continent. Personnellement je ne partage pas ce point de vue, car je pense qu'il existe un lien étroit et irréductible, je dois même dire consubstantiel, entre environnement et développement d'une part, et entre environnement, paix et sécurité d'autre part, y compris en Afrique.
I. Réconcilier l’économie et l’écologie en Afrique
Le développement économique que revendique l'Afrique ne peut être véritable que pour autant qu'il s'inscrit dans une perspective durable. Un tel développement n'est envisageable que si les africains opèrent la réconciliation inéluctable entre croissance économique, protection de l'environnement et justice sociale. Le rôle de la protection de l’environnement se situe ici à trois niveaux au moins :
-gérer rationnellement les ressources naturelles (minerais, hydrocarbures, bois, etc.) garantit des conditions de vie acceptables pour les générations actuelles et futures ;
-préserver l’environnement permet une meilleure exploitation du potentiel économique de l’Afrique, notamment le potentiel agricole (la dégradation du climat par exemple compromet immédiatement la production agricole);
-préserver l’environnement garantit la santé humaine nécessaire à la vitalité de l'économie.
Ainsi, cela peut paraître cynique pour certains, mais réaliste en ce qui me concerne : l'Afrique a davantage intérêt à préserver son environnement, dans la mesure où ses capacités de réaction et d'adaptation en cas de dégradation continue sont plus faibles que celles du reste du monde. Je veux par là dire que les africains seront les premiers à souffrir d’un environnement de plus en plus dégradé, même si beaucoup d’entre nous n’établissent pas le rapport – pourtant étroit – entre l’état de l’environnement et un certain nombre de phénomènes sociaux (vagues de froid et de chaleur, maladies, pluies diluviennes accompagnées de vents dévastateurs et d’inondations, etc.).
II- Promouvoir un environnement propice à la paix et à la sécurité humaine en Afrique
Les conflits en Afrique, le plus souvent, trouvent leurs racine dans la quête et le contrôle des ressources naturelles (eau, hydrocarbures, minerais, bois, etc.). La protection et la gestion rationnelle desdites ressources, dans l'intérêt de tous (dans une perspective de développement durable), contribuerait sans aucun doute à apaiser les tensions sur plusieurs parties du Continent noir.
En outre, la raréfaction des espaces viables, due à la déforestation, la désertification, la montée des eaux, provoque des tensions entre populations attenantes pour le contrôle des terres et des ressources (notamment entre agriculteurs et éleveurs pour la maîtrise des terres cultivables, des patûrages et des eaux), qui aboutissent à des conflits ouverts (Darfour). De même assiste-t-on de plus en plus, de façon insidieuse mais réelle, au développement du phénomène des réfugiés écologiques dont l’accumulation dans certaines zones déjà peu pourvues, accroît les tensions avec les populations locales en vue de l’accès aux ressources (Rwanda/RDC).
Au regard de tout ce qui précède, à moins d’avoir des instincts suicidaires, il me semble que chacun d’entre nous doit désormais accorder davantage d’intérêt à l’environnement.