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10 septembre 2010 5 10 /09 /septembre /2010 18:29

Cet arrêt porte sur un cas inédit dans les relations internationales, à savoir la prise en otage du personnel diplomatique et consulaire, qui plus est des Etats-Unis, par des ressortissants de l’Etat accréditaire (Iran), dans l’indifférence des autorités locales qui, pourtant, avaient été averties des risques d’attaques qui pesaient sur la mission diplomatique. Face à cette violation flagrante du droit international et particulièrement du droit diplomatique et consulaire, les Etats-Unis ont décidé de soumettre l’affaire à la Cour internationale de Justice (CIJ). Voici la quintessence de l’arrêt rendu le 24 mai 1980 qui, il faut le préciser, succède à l’ordonnance en indication de mesures conservatoires rendue par la même juridiction le 15 décembre 1979 en la même affaire.

Questions de procédure

Les bases de compétence invoquées par les Etats-Unis et les objections iraniennes

Les Etats-Unis ont saisi la CIJ par une requête introductive d’instance sur la base de l’article 36, § 1 du Statut de la Cour. Conformément à ce texte, « la compétence de la Cour s’étend à toutes les affaires que les parties lui soumettront, ainsi qu’à tous les cas spécialement prévus dans la Charte des Nations Unies ou dans les traités et conventions en vigueur ». Ainsi, à la lumière des dispositions finales de ce paragraphe, les Etats-Unis se réfèrent à :

L’article I du protocole de signature facultative des conventions de Vienne de 1961 et de 1963 portant respectivement sur les relations diplomatiques et consulaires.

L’article XXI, paragraphe 2 du traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires de 1955 entre les Etats-Unis et l’Iran.

L’article 13 de la convention de 1973 sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d’une protection internationale, y compris les agents diplomatiques.

L’ensemble de ces dispositions visent à conférer compétence à la CIJ en cas de désaccord quant à l’interprétation ou l’application de la convention indiquée, dans la mesure où les parties ne parviennent pas à le résoudre par d’autres moyens pacifiques.

S’agissant de l’Etat iranien en revanche, il s’est refusé de comparaître devant la Cour de La Haye et s’est contenté de communiquer avec celle-ci par la transmission de deux lettres (en date du 9 décembre 1979 et du 16 mars 1980) qui exposaient la position du Gouvernement de la République islamique d’Iran à l’égard de la requête américaine. Il s’agissait, en clair, d’objecter la compétence de la Cour. En effet, pour les autorités iraniennes, « la Cour ne peut et ne doit se saisir de l’affaire qui lui est soumise par le Gouvernement d’Amérique » car elle « ne représente qu’un élément marginal et secondaire d’un problème d’ensemble dont elle ne saurait être étudiée séparément et qui englobe entre autres plus de vingt-cinq ans d’ingérences continuelles par les Etats-Unis dans les affaires intérieures de l’Iran, d’exploitation éhontée de notre pays et de multiples crimes perpétrés contre le peuple iranien, envers et contre toutes les normes internationales humanitaires (…) En conséquence, la Cour ne peut examiner la requête américaine en dehors de son vrai contexte à savoir l’ensemble du dossier politique des relations entre l’Iran et les Etats-Unis au cours de ces vingt-cinq années ».

La Cour est bien compétente

En dépit de la non-comparution de l’Iran à l’instance, la Cour a estimé que ce fait ne constituait pas un obstacle diriment à l’examen de l’affaire qui lui a été soumise. En effet, la non-comparution d’une partie à l’instance ne constitue pas un obstacle en tant que tel à la compétence de la Cour.

Toutefois, en vertu de l’article 53 du Statut de la Cour :

Lorsqu’une partie ne se présente pas ou s’abstient de faire valoir ses moyens, l’autre partie peut demander à la Cour de lui adjuger ses conclusions.

La Cour, avant d’y faire droit, doit s’assurer non seulement qu’elle a compétence aux termes des articles 36 et 37, mais que les conclusions sont fondées en fait et en droit.

Sur la base donc de cette prescription, la Cour s’est attelée à examiner sa compétence au regard des articles susmentionnés. Non seulement elle établit qu’elle est compétente sur la base de l’article 36, en vertu des conventions auxquelles les Etats-Unis se sont référées, mais elle précise également, afin de réfuter l’argument soulevé par les autorités iraniennes, que le fait qu’un différend juridique constitue un aspect d’un différend politique plus vaste n’empêche pas que celui-ci soit soumis et examiné par la Cour (§ 37 in fine). La Cour s’offre en outre le loisir de rappeler, comme elle l’avait déjà fait dans l’affaire du plateau continental de la Mer Egée (arrêt du 19 décembre 1978), que le fait que des négociations se poursuivent au sujet de l’affaire qui lui est soumise ne constitue pas un obstacle à l’exercice de sa fonction judiciaire (§ 43).

Analyse du fond de l’affaire

Le traitement du fond de l’arrêt se fera au travers d’un double questionnement dont la réponse conditionne le jugement final de la Cour.

Les comportements incriminés par les Etats-Unis peuvent-ils être considérés comme juridiquement imputables à l’Etat iranien ?

Les conventions invoquées par les Etats-Unis dans la présente affaire établissent des obligations d’Etat à Etat et non directement vis-à-vis d’individus. Or, en l’espèce, ces faits ont été posés par un groupe de manifestants iraniens, qui se sont qualifiés eux-mêmes d’« étudiants musulmans partisans de la politique de l’iman ».  L’enjeu dans la présente affaire était donc d’établir si les comportements perpétrés par des individus pouvaient être imputables à leur Etat de rattachement. Sur ce point, si la Cour relève « le caractère initialement indépendant et non officiel de l’attaque de l’ambassade par les militants » (§ 59 in fine), elle conclut que « l’ayatollah Khomeini et d’autres organes de l’Etat iranien ayant approuvé ces faits et décidé de les perpétuer, l’occupation continue de l’ambassade et la détention persistante des otages ont pris le caractère d’actes dudit Etat » (§ 74). Il ne reste plus qu’à apprécier la conformité ou non d’un tel comportement au droit international.

De tels comportements sont-ils compatibles aux obligations incombant à l’Iran en vertu des traités en vigueur ?

L’Iran, tout comme les Etats-Unis, a signé les conventions de Vienne de 1961 et de 1963. En s’abstenant d’empêcher, puis en cautionnant l’envahissement de l’ambassade américaine a Téhéran, de même que les consulats américains de Tabriz et de Chiraz, il a remis au goût du jour le débat sur les obligations de l’Etat accréditaire en droit diplomatique, de même que dans le droit international général. Dans un dictum suffisamment précis, la Cour a une fois de plus clarifié la position du droit international sur la question. Elle affirme :

En vertu de diverses dispositions des conventions de Vienne de 1961 et de 1963, l’Iran avait, en tant qu’Etat accréditaire, l’obligation la plus formelle de prendre des mesures appropriées pour protéger l’ambassade et les consulats des Etats-Unis, leur personnel, leurs archives, leurs moyens de communication et la liberté de mouvement des membres de leur personnel (§ 61 in fine).

Elle conclut ainsi que

Cette carence du Gouvernement de l’Iran constituait en tant que telle une violation grave et manifeste des obligations dont l’Iran était tenu à l’égard des Etats-Unis en vertu des dispositions de l’article 22, §2, et des articles 24, 25, 26, 27 et 29 de la convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques, ainsi que les articles 5 et 36 de la convention de Vienne de 1963 sur les relations consulaires (§ 67).

Si en l’espèce on peut ainsi constater la condamnation de l’Etat iranien par la juridiction mondiale, quelle leçon peut-on tirer de cette affaire du point de vue du droit international ?

Quelques leçons de l’arrêt

Le droit diplomatique et consulaire est un régime se suffisant à lui-même

En condamnant les agissements de l’Etat iranien, la Cour de La Haye, une fois de plus, consacre la responsabilité internationale de l’Etat. Toutefois, ce qui est intéressant ici c’est le fait que l’argumentaire de la Cour s’appuie entièrement sur les règles propres du droit diplomatique et consulaire qui, de ce point de vue « constituent un régime se suffisant à lui-même » (§ 86). En effet, la Cour rappelle que si les autorités de l’Etat accréditaire estiment que les membres du personnel diplomatique de l’Etat accréditant ne se conforment plus à leurs obligations découlant des conventions de Vienne, ils peuvent, en se référant à ces mêmes conventions, à tout moment et sans avoir à motiver leur décision les déclarer persona non grata, de même qu’ils conservent « le pouvoir discrétionnaire qu’a tout Etat accréditaire de rompre les relations diplomatiques avec un Etat accréditant et de demander la fermeture immédiate de la mission coupable » (§ 85). Pour la Cour, « ces moyens sont par nature d’une efficacité totale car, si l’Etat accréditant ne rappelle pas sur-le-champ le membre de la mission visée, la perspective de la perte presque immédiate de ses privilèges et immunités, du fait que l’Etat accréditaire ne le reconnaîtra plus comme membre de la mission, aura en pratique pour résultat de l’obliger, dans son propre intérêt, à partir sans tarder » (§ 86). Or, au lieu de se référer aux voies que le droit diplomatique lui ouvrait, l’Iran a cru devoir cautionner la prise en otage de personnes jouissant de l’immunité diplomatique qu’aucune circonstance ne saurait pourtant amoindrir, y compris un état de tension diplomatique entre les deux Etats (§§ 88-89).

Le droit diplomatique est un droit fondamental des relations internationales

Le droit international a pour fonction la régulation de la société internationale. Dans ce sens, chacune de ses branches joue ce rôle dans le secteur qui est le sien. Toutefois, il apparaît que de toutes ces branches du droit international, le droit diplomatique joue un rôle tout particulier dont la Cour a « fermement tenu [à] réaffirmer le caractère fondamental » (§ 91). En effet, en se référant à son ordonnance du 15 décembre 1979, la Cour a cru devoir rappeler que « dans la conduite des relations entre Etats, il n’est pas d’exigence plus fondamentale que celle de l’inviolabilité des diplomates et des ambassades et … c’est ainsi que, au long de l’histoire, des nations de toutes croyances et de toutes cultures ont observé des obligations réciproques à cet effet » (§ 91). Ainsi donc, les agissements des militants iraniens, y compris le comportement de leur Etat d’affiliation « ne peuvent que saper à la base un édifice juridique patiemment construit par l’humanité au cours des siècles et dont la sauvegarde est essentielle pour la sécurité et le bien-être d’une communauté internationale aussi complexe que celle d’aujourd’hui, qui a plus que jamais besoin du respect constant et scrupuleux des règles présidant au développement ordonné des relations entre ses membres » (§ 92).

En somme, le droit diplomatique et consulaire, en tant qu’il s’inscrit dans la perspective de la promotion de la coopération et des relations amicales entre les Etats, mérite une protection spécifique que la Cour s’est engagée à garantir.

Toutefois, s’agissant de l’article 13 de la convention de 1973 invoqué par les Etats-Unis pour fonder la compétence de la Cour, celle-ci « n’estime pas nécessaire de rechercher dans le présent arrêt si, dans les circonstances de l’espèce, l’article 13 de ladite convention peut servir de fondement à l’exercice de sa compétence pour connaître de ces demandes ».

En l’espèce, les Etats-Unis avaient également soumis la question au Conseil de sécurité des Nations Unies.

Il s’agit en l’occurrence de l’ayatollah Khomeini, Chah d’Iran entre 1979 et 1989.

Comme les autorités iraniennes ont d’ailleurs eu à l’affirmer dans les lettres invoquées plus haut.

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A
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A
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A
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S
C'est tres interessant
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