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23 août 2010 1 23 /08 /août /2010 14:46

 

 

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21 août 2010 6 21 /08 /août /2010 13:36

La justice pénale internationale a été enrichie par une actualité relativement récente, à savoir le lancement par la chambre préliminaire de la Cour Pénale Internationale (CPI) d’un mandat d’arrêt international contre le Président soudanais Omar Hassan El Beshir le 4 mars 2009. Cette dernière actualité a conforté l’opinion d’une certaine catégorie d’observateurs africains, et même non africains, qui pensent que cette juridiction est un nouvel instrument dont s'est dotée l'Occident afin de déployer son néo-impérialisme sur le continent noir, ressuscitant ipso facto la thèse de la « mission civilisatrice ». Et, à regarder de près, une multitude d’arguments semblent bien militer en faveur d’une pareille lecture dans la mesure où les procédures actuellement en phase d'instruction ou de jugement devant la Cour sont dirigées exclusivement contre des hommes d’Etat africains, un doigt accusateur étant particulièrement dirigé contre les Etats-Unis, la France et la Grande Bretagne qui accompliraient leur basse besogne sous le manteau du très controversé Conseil de Sécurité des Nations Unies. Un tel constat, au demeurant superficiel, partiel et partial dans la lecture et l’analyse des activités de la juridiction de La Haye, est-il pour autant suffisant pour conclure à une cabale contre nos responsables et anciens responsables politiques ?

En réalité, je pense qu’il est important de revisiter la mécanique de déploiement de la Cour, tant d'un point de vue institutionnel que fonctionnel, au besoin en recourant au droit comparé, afin d’y porter un jugement beaucoup plus objectif. J’aimerais, pour cela, m’attarder sur deux points particuliers : les acteurs investis du droit de saisir la Cour et les pouvoirs particuliers du Conseil de Sécurité des Nations Unies en matière de procédure devant la CPI.

A propos des acteurs investis du droit de saisir la Cour

Il faut partir ici de ce que parmi les acteurs investis du droit de saisir la Cour, figurent les Etats parties, le Conseil de Sécurité des Nations Unies et le Procureur. Le droit ainsi reconnu aux Etats de déposer une requête auprès de la juridiction internationale répressive se situe dans l’hypothèse où, estimant que des crimes relevant de la compétence de la Cour ont été commis sur leur territoire, ils ne disposent pas des moyens nécessaires pour les poursuivre et en assurer la correcte sanction. C'est ce droit de saisine qu'ont exercé, en toute liberté et en toute souveraineté, des Etats comme la République Démocratique du Congo (dans les affaires Thomas Lubanga Dyilo, Germain Katanta, Mathieu Gudjolo, Bosco Ntangata), la République Centrafricaine (affaire Jean-Pierre Bemba) ou même l'Ouganda (affaire Joseph Kony, Vincent Otti, Okot Odhiambo et Dominic Ongwen) qui, eux-memes, ont saisi la CPI pour qu’elle connaisse des situations qui se sont déroulées sur leurs territoires.

Seul le cas soudanais est donc exceptionnel, avec les mandats d’arrêt internationaux lancés par la Cour en premier lieu contre Ahmad Muhammad Harun ("Ahmad Harun") et Ali Muhammad Ali Abd-Al-Rahman ("Ali Kushayb"), et ensuite contre le Président El Beshir, car relevant d’une initiative du Conseil de Sécurité des Nations Unies qui, en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies (actions en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression) et de l’article 13 § b du Statut de Rome, a demandé au Procureur d’enquêter sur la situation au Darfour.

Comment donc incriminer ce fantomatique Occident – la fameuse et finalement ennuyeuse théorie du complot – dès lors que les africains sont, eux-mêmes, les initiateurs des procédures majoritairement en étude devant la CPI ? Si instrumentalisation il y avait, ne seraient-ce pas plutôt des manœuvres proprement africaines destinées à mettre hors course des adversaires...militairement ou politiquement redoutables. Une telle conclusion, de mon point de vue, serait tout aussi excessive car nierait les exactions réelles qui sont perpétrées dans les régions concernées, et pour lesquelles justice doit être rendue. Et, de fait, la Cour n’ayant qu’une compétence complémentaire des juridictions nationales, elle ne peut intervenir que parce que l’Etat lui-même l’a sollicitée, ou alors parce que celui-ci s’est abstenu de juger des crimes graves commis sur son territoire. Que les africains jugent donc eux-mêmes leurs criminels et la Cour ira chasser ailleurs – ou alors fermera tout simplement ses portes, si ça peut rassurer quelques uns –, est-on tenté de conclure sur ce point.

Et, de mon point de vue, l’argument selon lequel des crimes internationaux sont également commis en Afghanistan, en Irak ou ailleurs manque de pertinence et relève davantage d’un discours passionnel, malheureusement dépourvu de considérations compassionnelles. L’existence de telles exactions dans d’autres portions géographiques de la planète n’exonère pas de leurs responsabilités les africains auteurs de crimes graves relevant de la compétence de la CPI et ne devrait pas priver les victimes du droit légitime à la réparation ; dans tous les cas – et fort heureusement – un principe d’exonération de responsabilité pour cause de crimes également commis ailleurs et restés impunis n’a pas encore été consacré par le droit international positif.

A propos des pouvoirs particuliers du Conseil de Sécurité des Nations Unies en matière de procédure devant la CPI

Sur les pouvoirs particuliers du Conseil de Sécurité en matière de procédure devant la Cour, la critique formulée se résume fondamentalement à ceci : de tels pouvoirs constituent une intrusion malsaine du politique dans la mécanique judiciaire et un verrou supplémentaire offert aux grandes puissances qui en assurent le contrôle. Deux axes d’analyse peuvent etre retenus ici afin de démonter un tel raisonnement. Il s’agira pour nous de nous attarder d’une part sur la faculté pour le Conseil de Sécurité de déférer au Procureur des situations dans lesquelles des crimes internationaux ont été commis, conformément à l’article 13 § b du Statut de Rome et, d’autre part, le pouvoir qu’a cet organe des Nations Unies de suspendre des enquêtes ou des poursuites déjà entamées, conformément à l’article 16 du même texte.

Le droit de saisine du Procureur par le Conseil de Sécurité n’est en réalité qu’un continuum de la charte des Nations Unies, car s’inscrivant au titre du chapitre VII du texte de San Francisco qui confère à cet organe le pouvoir d’engager toute action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix ou d’acte d’agression. Dès lors, la saisine du Procureur devient donc un pouvoir discrétionnaire du Conseil de Sécurité, qui a la liberté de déterminer, entre plusieurs moyens mis à sa diposition pour mettre fin à une situation de tension ou de crise, lequel choisir. Ceci permet donc de balayer d’un revers de la main la plainte de ceux qui reprochent à la Cour de poursuivre dans certains cas et de rester indifférente dans d’autres, dans la mesure où l’initiative étant ici celle du Conseil de Sécurité, celui-ci a la lattitude de prendre d’autres mesures qu’il juge davantage pertinentes dans ces autres cas.

En ce qui concerne le pouvoir du Conseil de Sécurité de suspendre des enquêtes ou poursuites entamées par le Procureur, il constitue pour beaucoup une potentielle entrave politique au déploiement de la justice pénale internationale, un moyen dont pourrait user les membres du Conseil de Sécurité afin d’assurer l’impunité à leurs thuriféraires. Une telle lecture est possible et une pareille crainte relève du champ du réel, il faut l’admettre ; mais elle ne doit pas être invoquée de façon systématique et, en fin de compte, de façon simpliste, comme s’il s’agissait de la raison ayant motivé l’introduction de l’article 16 dans le dispositif du Statut de Rome. Je pense que la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales qui incombe au Conseil de Sécurité et qui fonde ce droit d’immixtion est suffisante pour le justifier. En effet, je crois pour ma part qu’un entêtement judiciaire parfois peut constituer plus de mal à la paix qu’un compromis politique bien ficelé, au regard des rapports de force qui très souvent prévalent sur le terrain des affrontements. A quoi cela sert-il par exemple de s’acharner contre le Président Omar El-Beshir (pour ne prendre que ce cas, sous réserve d’une maitrise exacte des réalités du terrain), lorsque l’on sait que c’est lui qui détient l’essentiel des leviers d’une normalisation de la situation au Darfour ? L’arrestation – au demeurant hypothétique – de cet individu, fut-il le commanditaire réel ou supposé des crimes perpétrés dans cette région, vaut-elle des pertes continuelles en vies humaines ? A cette question, chacun a certainement sa réponse.

Que dire d'ailleurs du droit national, du moins dans les systèmes d’inspiration romano-germanique, qui reconnaît au ministre de la justice, organe par essence de l’appareil politique, le pouvoir discrétionnaire d'interrompre – et pas tout simplement de suspendre, comme c’est le cas devant la CPI – les poursuites initiées par le parquet, en vertu du principe de subordination et de l’opportunité de poursuite qui lui est reconnu ? Une pareille intrusion jusque là n’a jamais véritablement été considérée comme un empêchement dirimant au déploiement de la justice pénale à l’échelle nationale à ma connaissance.

En somme, il ne s'agit pas pour moi de dédouaner la justice pénale internationale dont des carences et insuffisances peuvent être décelées ; elle n'est certainement pas parfaite, mais elle n'est pas aussi diligentée et aussi téléguidée comme on voudrait bien nous le faire croire. Ce qu'il y a lieu de faire, à mon sens, au lieu de continuer à tirer à boulets rouges sur une justice qui cherche ses marques dans une société internationale pour l’essentiel encore structurée par la dimension relationnelle et travaillée par les rapports de puissance, c’est d’orienter le débat sur les moyens de l’affiner, de la rendre plus perméable aux souverainetés étatiques, sans ignorer l'indissociabilité qu'il y a, sur le plan international, entre le droit et la politique. En bref, il s'agit de renouveler le discours critique sur la CPI.

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21 août 2010 6 21 /08 /août /2010 13:32

Dans le sillage du débat portant sur la transparence du système électoral camerounais qui anime la classe socio-politique camerounaise depuis la restauration du multipartisme au début des années 1990 et qui a donné lieu au remplacement de l’administration territoriale par ELECAM dans l’optique de l’organisation, de la gestion et de la supervision des échéances électorales au Cameroun, il nous semble opportun d’ouvrir une autre fenêtre de ce débat passionnant et passionné qui est celle de l’admission de la candidature indépendante à l’occasion des consultations électorales au Cameroun. A toutes fins utiles, il convient de rappeler que la candidature indépendante est déjà admise à l’occasion de l’élection présidentielle au Cameroun. En effet, conformément à l’article 53 de la loi n° 97-020 du 9 septembre 1997 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 92-010 du 17 septembre 1992 fixant les conditions d’élection et de suppléance à la Présidence de la République, les candidats peuvent être soit investis par un parti politique, soit indépendants ; la condition dans cette seconde hypothèse étant que ces derniers soient présentés « par au moins trois cents (300) personnalités originaires de toutes les provinces, à raison de trente (30) par province et possédant la qualité soit de membre de l’Assemblée nationale ou d’une chambre consulaire, soit de conseiller municipal, soit de chef traditionnel de premier degré ». En revanche, tel n’est pas le cas en ce qui concerne les autres consultations électorales. Qu’est-ce qui peut justifier une pareille discrimination ? Quelles en sont l’opportunité et la pertinence ?

Notre propos dans la présente réflexion vise donc à montrer la nécessité d’étendre la candidature indépendante aux autres consultations électorales, à savoir précisément les élections municipales, parlementaires (députés et futurs sénateurs) et celles concernant les futurs conseillers régionaux. Toutefois, plus que dans toute autre espèce, il nous semble que c’est lors des élections municipales que l’enjeu et l’intérêt des candidatures indépendantes sont le plus manifestes. C’est donc particulièrement sur cette élection que nous nous attarderons dans les développements qui vont suivre.

 

L’enjeu de la candidature indépendante à l’occasion des élections municipales au Cameroun

 

Au Cameroun, les élections municipales ont pour objet la désignation par les populations locales des conseillers municipaux. Et, lorsque l’on se réfère à la loi N° 92-002 du 14 août 1992 fixant les conditions d’élection des conseillers municipaux, telle que modifiée et complétée par la loi N° 2006/010 du 29 décembre 2006, seuls les candidats investis par un parti politique sont admis à prendre part à l’élection. En effet, conformément aux articles 18 et 19 de ce texte, non seulement la déclaration de candidature doit mentionner le parti politique auquel elle se rattache, mais également elle doit être accompagnée d’une attestation par laquelle le parti politique investit l’intéressé en qualité de candidat. De telles dispositions ont une double conséquence : d’une part, elles confinent tout potentiel candidat à adhérer à un parti politique dans la perspective d’être élu au conseil municipal et, d’autre part, elles embrigadent le citoyen-électeur au choix de candidats présentés exclusivement par des partis politiques. C’est face à cet état du droit, au demeurant anachronique de notre point de vue, que nous soutenons l’admission de la candidature indépendante. En effet, l’ouverture des élections municipales à la candidature indépendante présente l’avantage de sortir de la dictature du système des partis qui domine encore le microcosme politique camerounais car elle permet, non seulement d’éviter que le choix ne soit limité à des partis qui pour l’essentiel ont perdu tout crédit auprès de la grande masse, mais également de permettre l’avènement aux affaires de personnalités suffisamment crédibles et représentatives, quand bien même elles ne militent pas au sein des partis politiques traditionnels. En effet, il n’est pas exagéré que de dire qu’il y a des individus qui, dans leur modeste personne, jouissent d’une plus grande notoriété, d’une bien meilleure crédibilité et d’une vision politique plus mobilisatrice dans leur localité que des partis politiques implantés depuis un certain temps ne possèdent pas, tout simplement parce qu’il s’agit de partis familiaux, tribaux ou tout simplement constitués dans l’attente des financements publics. Pourquoi obliger de telles personnes à constituer ou à adhérer à un parti politique afin de briguer un mandat alors même qu’elles jouissent déjà de la sympathie populaire qui constitue le fondement même d’un système démocratique ?

 

En outre, lorsqu’on se réfère à nouveau à notre système d’élection des maires, on se rend compte qu’en réalité ces derniers sont élus par et entre les conseillers municipaux. Cela signifie, en d’autres termes, que ce ne sont pas les populations qui élisent le maire, mais les conseillers municipaux, parmi leurs pairs. Il en découle, a priori, qu’un conseiller municipal élu comme candidat indépendant n’a aucune chance d’être élu comme maire du fait des coalitions partisanes qui prédominent au moment de la désignation de ce dernier. Or, l’élection du maire porte sur une fonction exécutive où l’équation personnelle du candidat joue un rôle majeur. Il est logique et juste que les populations aient une réelle emprise sur le choix de celui qui est appelé à porter leurs aspirations à leur firmament. Il serait donc plus sain que les populations aient la latitude de déterminer directement, par leur vote, la personne jugée capable de traduire dans la réalité leurs besoins. De ce point de vue, cela n’aurait donc ni sens ni logique que les candidatures indépendantes soient admises lors de la désignation des conseillers municipaux alors que le maire continue d’être désigné par ces derniers. Il nous semble plus opportun que l’élection municipale soit réformée dans le sens où la tête de liste (et le candidat indépendant appartient bien à une liste, bien que uninominale, dont il constitue la tête) arrivée en tête des votes populaires soit directement désignée maire.

 

L’intérêt de la candidature indépendante dans un système démocratique

 

L’intérêt de la candidature unique se situe à plusieurs niveaux. Dans un premier temps, elle permet de revigorer le système démocratique en construction dans notre pays. En effet, la candidature indépendante est un moyen de sortir définitivement de la dictature des partis pour redonner sa place à l’individu dans le jeu démocratique. Ce sont les individus qui vont élire directement un autre individu en charge de porter leurs aspirations, et non pas un parti politique qui, à travers ses rouages internes, notamment les consignes de vote, qui va désigner le maire.

 

En outre, dans le contexte camerounais où les partis politiques sont en perte de vitesse et que la politique elle-même intéresse de moins en moins les citoyens, l’admission de la candidature indépendante permet de donner un nouveau souffle à la politique et surtout d’accompagner l’émergence d’une nouvelle génération de leaders politiques qui n’ont pas besoin de se compromettre dans des concessions partisanes pour briguer un mandat.

 

L’intérêt de la candidature indépendante se situe enfin dans le fait que le candidat n’a pas besoin de se livrer à des joutes partisanes (parfois mortelles ou faites de promesses de mort) pour briguer un mandat électoral. Et, très souvent, ce ne sont pas les candidats les plus populaires qui sont investis par leurs partis politiques. Soit les élections primaires sont purement et simplement truquées, soit alors le candidat investi est directement désigné par les autorités dirigeantes du parti, au grand dam de ses concurrents à l’investiture qui, de ce fait, n’ont aucun moyen de recours à leur disposition.

 

Face à un tel état de fait, l’admission de la candidature indépendante à l’occasion des élections municipales est plus que jamais nécessaire. Celle-ci répond non seulement à l’impératif démocratique, mais aussi à un souci de moralisation du jeu politique au Cameroun. Bien évidemment, l’admission de la candidature indépendante à l’occasion des élections municipales est un choix éminemment politique qui passe par une refonte profonde de la loi N° 92-002 du 14 août 1992, fixant les conditions d’élection des conseillers municipaux, telle que modifiée et complétée par la loi N° 2006/010 du 29 décembre 2006. Il s’agira par exemple de déterminer des conditions particulières pour l’admission des candidatures indépendantes, à l’image de l’élection présidentielle, afin d’éviter l’émergence de candidatures fantaisistes. On pourra par exemple citer l’obtention d’un certain nombre de signatures de personnalités résidant dans la commune concernée, telles que des parlementaires, des conseillers régionaux sortants ou des responsables d’association déclarées ou autorisées. En somme, nous voulons dire que la politique a besoin d’être repensée au Cameroun et il est temps d’en redéfinir les fondamentaux. C’est dans cette perspective que s’inscrit la présente contribution.

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21 août 2010 6 21 /08 /août /2010 13:29

 

L’affaire de la frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigeria (dite affaire Bakassi) n’est certainement pas le dernier contentieux territorial opposant des Etats africains que la Cour internationale de Justice aura à connaître durant son existence. En dépit de la proclamation du principe du respect des frontières héritées de la colonisation par le droit international régional africain (le principe de l’uti possidetis juris), une rapide incursion dans la jurisprudence de la Cour de La Haye depuis sa séance inaugurale du 18 avril 1946, jusqu’au 31 décembre 2003, révèle que cette juridiction a rendu vingt arrêts portant sur le contentieux territorial dont sept opposaient exclusivement des Etats africains, preuve irréfutable de la centralité des revendications territoriales dans la conflictualité africaine contemporaine. Qu’ils soient dans un état latent ou manifeste, ces conflits territoriaux sont aujourd’hui le révélateur du projet de plus en plus affirmé de certains Etats africains de concrétiser leurs ambitions géopolitiques et géostratégiques. Dès lors leur résolution, notamment par le procédé d’une délimitation concertée devient difficilement réalisable, dans la mesure où celle-ci « n’est très souvent envisagée qu’à la suite de la découverte de gisements d’hydrocarbures et sous la pression des sociétés multinationales intéressées par ces richesses tant convoitées ». Au contraire, l’enlisement dans lequel ils sombrent a conduit certains observateurs à considérer le règlement politico-diplomatico-judiciaire de l’affaire Bakassi entre le Cameroun et le Nigeria comme un cas d’école, un modèle qui servirait de référent dans la résolution des conflits en Afrique en général, et des conflits territoriaux en particulier. Deux raisons principales justifient cette prise de position, à savoir l’implication personnelle des hommes d’Etat en faveur de la paix et l’exploitation des vertus de l’outil diplomatique face à la rigidité de la règle juridique.

 

L’implication personnelle des hommes d’Etat en faveur de la paix

 

Trois hommes d’Etat principalement sont considérés comme les piliers de l’aboutissement heureux et définitif du différend portant sur la souveraineté sur Bakassi. Il s’agit du Président Paul Biya du Cameroun, Olusegun Obasanjo, ex-Président du Nigeria et l’ex-Secrétaire Général des Nations Unies Kofi Annan. Le premier, pour sa lucidité dans le recours aux instances judiciaires plutôt qu’à l’affrontement militaire, sa patience face à la multiplication des mesures dilatoires et vexatoires de la partie adverse et ses choix tactiques qui finalement ont été productifs. Le second, pour le courage et la détermination dont il a su faire preuve pour surmonter l’hostilité farouche des membres de son propre camp, y compris la haute hiérarchie militaire, qui s’opposaient à la mise en œuvre de l’arrêt de la Cour, alors considéré comme portant atteinte à l’intégrité du territoire national. Le dernier, enfin, pour son engagement sans retenue en faveur de la réconciliation de ces deux géants de l’Afrique davantage appelés à porter leurs sous-régions respectives au firmament de la prospérité plutôt que vers les abîmes d’une guerre injustifiée et injustifiable.

Il ressort donc de cette expérience que les hommes d’Etat véritablement épris de paix ne sont pas ceux qui se contentent de s’en remettre à un tiers plus ou moins impartial en cas de litige, mais plutôt ceux-là qui prennent des positions fortes et courageuses, parfois impopulaires, en faveur d’une réconciliation réelle et durable.

 

La diplomatie au secours du droit international

 

En dépit de ce concours de circonstances finalement heureux, il faut pourtant admettre que le règlement de « l’affaire Bakassi » n’a pas été simple, en témoignent les quinze années qu’elle a duré, dont huit émaillées d’une intense bataille juridique devant la Cour internationale de Justice. Il faut d’ailleurs relever qu’après avoir contesté la compétence de la Cour, le Président du Nigeria, sur fond de pressions internes et internationales, a déclaré après l’arrêt du 10 octobre 2002 qui proclamait la camerounité de Bakassi, que « le Nigeria n’a ni rejeté ni approuvé l’arrêt de la Cour ». Cette position ambiguë d’Abuja, révélatrice de l’inconfort politique dans lequel se trouvait le Président Obasanjo, ne pouvait laisser indifférent la diplomatie camerounaise, consciente de ce qu’un durcissement dans ses revendications – au demeurant légitimes – présentait le risque certain d’un raidissement des autorités nigérianes qui auraient été moins enclines à mettre en application l’arrêt de la Cour, malgré son caractère obligatoire, définitif et insusceptible de recours. C’est donc dans ce contexte toujours tendu que le Cameroun accepte d’ouvrir des négociations avec son voisin nigérian et qui vont aboutir à l’accord de Greentree du 12 juin 2006 sur les modalités de retrait du Nigeria de Bakassi, à travers lequel le pays du Président Biya accorde d’importantes concessions à son voisin de l’ouest (reconnaissance de droits fonciers coutumiers aux ressortissants nigérians vivant à Bakassi, maintien des forces policières, militaires et administratives nigérianes dans la zone pendant une période transitoire, etc.). Par cet accord en fait, « il s’agit [pour le Cameroun] d’obtenir le retrait du Nigeria tout en lui permettant de sauver la face ».

C’est donc par application de cet accord que le Nigeria procède à la rétrocession définitive de la zone encore occupée au Cameroun lors de la cérémonie de Calabar du 14 août 2008. Comme quoi sur la scène internationale, une défaite sur le champ judiciaire peut toujours être transformée en victoire politique et diplomatique.

Différend Sierra Leone/Guinée portant sur leur littoral maritime ; différend Namibie/Afrique du Sud concernant leur frontière dans l’embouchure du fleuve Orange ; différend Gabon/Guinée Equatoriale à propos de la souveraineté sur l’Ile de Mbanié, etc.

Maurice K. KAMGA, Délimitation maritime sur la côte atlantique africaine, Bruylant, Bruxelles, 2006, p. 11.

Lire le message de Ban Ki-Moon le 14 août 2008 à l’occasion de la rétrocession de la péninsule de Bakassi au Cameroun par les autorités du Nigeria.

Léon KOUNGOU, « Quand une péninsule pétrolière change de main » in Le Monde Diplomatique, octobre 2008, p. 20.

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21 août 2010 6 21 /08 /août /2010 13:06

Bienvebue sur mon blog,

 

C'est un condensé de réflexions juridiques sur l'actualité nationale et internationale, mais également sur certaines thématiques beaucoup plus globales,

 

J'espère qu'il pourra contribuer à l'édification d'un monde meilleur, où la règle de droit jouera effectivement le rôle qui est le sien.

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